ECOSSE
Présentation des WHISKIES ECOSSAIS:
Mise Ă jour du sujet & illustrations le : 28/12/2013
1/ Les différents types de whiskies
2/ Les régions du whisky écossais
1/Les différents types de Whiskies:
Par convention, les whiskies se classent en plusieurs familles principales qui se retrouvent dans la plupart des pays, catégories que nous allons examiner ci-dessous. Cependant, d'une part les règles qui régissent la production de whiskies ne sont pas les mêmes suivant les pays et de l'autre, certains pays ont non seulement des règles spécifiques de production, mais aussi des types de whiskies spécifiques, parfois même pour une région en particulier. Pour l'Ecosse, je renvoie aussi aux articles des rubriques "Histoire du Whisky" et "La Fabrication".
Les BLENDED WHISKIES (ex-BLENDS):
Il s'agit d'assemblages de nombreux whiskies de malt (de 15 à plus de 60 single-malts) en petite quantité avec un ou plusieurs whiskies de grain en plus grande quantité, ils sont âgés en général de 3 à 5 ans. Conçus au XIX ème siècle en grande partie pour des raisons commerciales, dont la consommation de masse de whisky plus facile d’accès que les single-malts et de moindre coût, leur typicité est en général fortement atténuée par rapport à des single-malts. Ils comportent entre 25 et 40 % de single-malt, parfois plus. Ils deviennent « DE LUXE » lorsqu’ils sont âgés de 5 ans et plus (mais de manière générale cela concerne plutôt les blends de 12 ans et plus). Les blended whiskies sont presque toujours réduits par adjonction d’eau à 40 ou 43 % d’alcool par volume.
Beaucoup sont conçus de manière à pouvoir supporter le choc thermique de l’adjonction de glaçons. Ils sont réalisés en grande quantité et selon des normes très spécifiques avec un cahier des charges rigoureux et avec une qualité très variable selon les marques, du pire au meilleur, et souvent avec le seul additif autorisé, j’ai nommé l’essence de caramel (E150) un colorant qui donne une robe ambrée, mais aussi qui lisse, voire affadit le goût. Par ailleurs, même s'il ne s'agit que d'une hypothèse, certains d'entre eux laissent en bouche une impression de sucrosité tellement forte qu'elle laisse supposer qu'il pourrait y avoir adjonction de saccharose, comme pour certains Cognacs et Rhums. Pour faire une comparaison avec les vins, on peut parler dans ce cas de vins de table...
Les plus fins (et souvent les plus âgés) des Blends peuvent en revanche concurrencer certains single-malts par leur finesse et leur complexité. Ils peuvent aussi parfois (certes assez rarement) présenter les mêmes caractéristiques exigentes que les meilleurs single-malts (non filtration à froid, non coloration, titrage optimal vers 45 ou 46 %, etc..). Par contre, pour ceux-là , des glaçons les « tueraient » à coup sûr….Se méfier par ailleurs des mentions sur l’étiquette du type « Rare Reserve », car lorsqu’il s’agit de produits fabriqués en quantités industrielles (jusqu’à plusieurs millions de bouteilles par an), on ne peut raisonnablement pas parler de rareté. Ce phénomène commence hélas à toucher également les single-malts depuis quelque temps…
Une sélection de blended-whiskies de qualité provenant d'assembleurs officiels de longue date, ici parfois dans des versions stoppées
(comme le Gold Label avec mention d'âge), ou éditions limitées comme le GRANT'S Sherry Cask.- Photo: © Grégoire Sarafian).
Les BLENDED-MALTS (ex-PURE-MALTS, ou VATTED-MALTS):
Il s'agit d'assemblages allant de quelques whiskies de type single-malt à un nombre souvent plus élevé de whiskies, mais sans ajout de whisky de grain. Ils sont presque toujours réduits par adjonction d’eau à 40 ou 43 % d’alcool par volume, mais peuvent titrer davantage. Ils sont soit élaborés par les grandes sociétés qui créent les blended whiskies, soit par des négociants ou créateurs plus ou moins indépendants. Beaucoup sont très fins, à mi-chemin entre un vieux single-malt et un blend de luxe. Il y a des assemblages aussi insipides que certains blends, mais il y a heureusement aussi de véritables chefs d’œuvre, issus parfois de l’accord de deux ou trois single-malts seulement. Attention, source de confusion supplémentaire, la mention « Pure Malt », à l’origine, désignait les single-malts.La mention "Vatted-Malts" (chère à l'assembleur John Glaser), elle était sans doute la plus adéquate, insistant sur le caractère "marié" des whiskies, afin d'assurer l'homogéneïté de l'ensemble avec le temps, non par les additifs...
Un groupe de blended-malts de qualité, dont une version aujourd'hui stoppée, le "Green Label" de Johnnie Walker (Photo : © Grégoire Sarafian).
Les SINGLE-MALTS:
Il s'agit de whiskies provenant d’une seule distillerie, et constitués soit de nombreux fûts d’années différentes (si la bouteille porte une mention d’âge, ce sera celui du plus jeune entrant dans la composition), soit d’un assemblage de fûts de la même année (il est alors millésimé, ou « vintage, en anglais), et l’année indiquée sera d’abord celle de l’année de distillation), soit de l'assemblage d'un petit nombre de fûts (« small batch »), soit enfin en provenance d’un seul fût (« single-cask »). Hormis les single-malts en éditions limitées, plutôt destinées aux connaisseurs et collectionneurs, ou à caractère confidentiel ou "posthume" (provenant de stocks de distilleries aujourd'hui fermées) la plupart de ces whiskies sont donc, contrairement à une idée reçue, également des assemblages.
Après la 2 ème distillation, les single-malts sont généralement réduits par adjonction d’eau d’abord à 63,5 % d’alcool par volume, pour la mise en fût de maturation, puis une deuxième fois pour la mise en bouteille, après vieillissement, à 40 ou 43 % (voire jusqu'à 46 ou 50 %) sauf certains whiskies à réserver plutôt aux connaisseurs. Dans ce dernier cas, ces whiskies ne sont pas ou peu réduits (« cask strength », en anglais, qui se traduit en français par « brut de fût »). Ils sont, à peu de choses près, tel qu’ils le sont lorsque l’on ouvre un fût dans un chai. La réduction d’alcool est aussi le résultat de l’évaporation naturelle d’année en année, nommée « la part des anges », part qui peut aller jusqu’à une baisse de 2 à 3 % par an. Le temps de maturation en fûts est variable, 3 ans est l’âge légal minimum pour le scotch whisky, 8,10 ou 12 souvent l’âge de la plus jeune version commercialisée, et 40 ou 50 ans l’âge du plus âgé, sauf exceptions bien entendu.
Les single-malts sont par ailleurs le plus souvent filtrés à froid (pour éviter que des particules en suspension ou en dépôt soient visibles, et pour éviter que le liquide se trouble si la température baisse brutalement-des souhaits plus commerciaux qu'autre chose). Lorsque cela n’est pas le cas, il en est souvent fait état sur l’étiquette, comme s'agissant d'un whisky non filtré à froid (« Un chill-filtered » ou « Non Chill-filtered »), car c’est (en général, mais pas automatiquement !) un gage de naturel sinon de qualité: En effet, lors de la filtration à froid, l’alcool subit une variation de température brutale et l’on supprime ainsi des corps gras qui renferment une partie du goût du whisky, il y a donc là théoriquement une perte, même si d’excellents whiskies sont filtrés à froid. Par ailleurs, il convient aussi de s’assurer, plus encore que pour les autres catégories de whiskies, si les whiskies sont embouteillés et élevés intégralement par les distilleries officielles qui les conçoivent, ou s’il s’agit d’un embouteillage de négoce (voir à ce sujet le chapitre « connaître le whisky »), ces derniers types d’embouteillages pouvant s’avérer parfois très différents des embouteillages officiels.
Pour poursuivre notre comparaison avec les vins, là nous pouvons parler de véritables A.O.C., même si les critères et la notion de terroir ne sont pas les mêmes et sont plus contestables.
Une sélection de bouteilles représentatives de leur région, suivant la dénomination officielle écossaise : Auchentoshan, pour les Lowlands, The Glenlivet, pour le Speyside,
Glenmorangie, pour les Highlands, Laphroaig, pour Islay, et enfin Springbank (ici l'ancien packaging du 10 ans d'âge) pour Campbeltown - Photo: © Grégoire Sarafian).
Les SINGLE-GRAINS & les VATTED-GRAINS:
Il s'agit de whiskies provenant d’une seule distillerie, mais de grain (blé, mais aussi maÏs, avoine, seigle, etc… ) en général à proportion de 85 % et parfois d’orge non maltée. C’est un type de whisky plus neutre en goût, distillé en continu dans un alambic à colonne, servant surtout à alimenter les assemblages des blended whiskies. Plus récemment, l’on a redécouvert les qualités des vieux single-grains, souvent proches des bourbons, mais aussi des whiskeys irlandais. Peu sont disponibles. Ils sont soit réduits à 40 ou 43 %, soit utilisés et vendus tels quels, non réduits (cask strength). Il n’existe apparemment pour le moment qu’un seul VATTED-GRAIN d'Ecosse, celui inventé par John GLASER et intitulé « HEDONISM », avec ses variantes).
Les Autres catégories de WHISKIES:
Pour ce qui concerne l'Ecosse, hormis quelques expériences plutôt confidentielles, les principales catégories de whiskies sont celles listées ci-dessus. Il n'en est pas de même pour certains pays à l'histoire et aux choix (agricoles, mais pas seulement) différents. Voir la production de whiskey irlandais ou nord-américain, par exemple, ou bien encore suédois ou japonais.
Il existe cependant une autre catégorie, qui n'est pas encore officiellement du whisky car n'ayant pas ou peu de vieillissement en fûts:
Qu'on le nomme NEW SPIRIT (ECOSSE), ou NEW MAKE (ECOSSE), ou WHITE DOG (USA), ou encore DISTILLAT PUR, ou BLANCHE DE MALT (FRANCE), il s'agit sensiblement de la mĂŞme chose, ce qui sort de l'alambic de Spirit avant vieillissement, Ă savoir....un liquide transparent !
Pour ce qui est d'en déguster, là iles choses sont plus compliquées que pour les catégories de whiskies précédemment citées. Il y a là plusieurs cas de figure, mais en général il s'agit de faire déguster au public, soit directement à la distillerie, soit en commercialisant des bouteilles ou des samples, le distillat "pur", c'est à dire tel qu'il sort de l'alambic, sans aucune maturation, mais certes avec une procédure préalable puisqu'il y a eu coupe (sélection), et en général une filtration (douce ou à froid). Le produit est bien entendu transparent, et seul des professionnels ou des amateurs aguerris peuvent en évaluer la qualité (le potentiel avant vieillissement) et pour la plupart d'entre nous la différence même entre une distillerie et une autre. Ils sont en général rendus publics soit pour montrer le processus du début à la fin de la fabrication du whisky, soit dans le cas d'une nouvelle distillerie pour faire patienter la clientèle en attendant que le distillat ait 3 ans pour pouvoir avoir droit à la dénomination de "whisky". Certains de ses "new spirits" sont tellement expressifs et équilibrés (bien qu'évidemment trop jeunes) au bout de quelques mois ou d'un an que l'on peut déjà pressentir un potentiel de qualité important et un futur radieux aux distilleries qui les produisent. La commercialisation de ce type de produits a quelque peu augmenté ces dernières années, en tout cas déjà en Ecosse.
2/Les régions du Whisky écossais :
Histoire, Géographie et brève présentation des distilleries écossaises :
Les Cinq principales régions (par convention):
1/Les LOWLANDS, ou « Basses-Terres » :
Les terres situées le plus au Sud de l’Ecosse, entre les villes de Glasgow et Edinburgh, sont de riches terres agricoles, ou les céréales abondent, que ce soit l’orge destinée au whisky de malt ou le blé, l’avoine, etc…Ces terres à la fois verdoyantes, faites de collines et petites montagnes, ne manquant pas d’eau, abritaient autrefois plusieurs dizaines de distilleries jusqu’au 19ème siècle, et près d’une dizaine jusqu’à la crise des années 1980. En effet, le grand « coup de balai » de la société Diageo entre 1982 et 1985 (à l’époque elle se prénommait U.D.V.= United Distillers and Vintners) réduit alors le nombre de celles-ci à 5 distilleries pour cette région (AUCHENTOSHAN, BLADNOCH, GLENKINCHIE, LITTLEMILL -« en sommeil depuis 1994 », ROSEBANK - qui ferme par la suite en 1993), la distillerie SAINT-MAGDALENE ayant été fermée avec cette vague (1983). La production était donc auparavant assez industrielle et les whiskies d’après diverses sources de second ordre par rapport aux autres régions, des whiskies légers…Si la plupart d’entre eux sont en effet plutôt légers, leur autre caractéristique principale est également d’être doux, herbacés, et marqués par des notes de céréales (orge maltée, et au-delà ), en général plus marquées que dans les autres régions (l’exemple type en est GLENKINCHIE), mais parfois emprunts d’une certaine sécheresse (ROSEBANK, SAINT-MAGDALENE).
La salle des alambics de la distillerie AUCHENTOSHAN, une des rares distilleries d'Ecosse à pratiquer la triple-distillation (Photo: © Hugh)
Cependant, des notes de torréfaction, de café même, voire de guimauve peuvent apparaître (l’exemple type en est LITTLEMILL), ou d’agrumes (avec souvent beaucoup d’acidité, comme chez BLADNOCH), ou encore une certaine exubérance florale, comme chez AUCHENTOSCHAN (une des rares d’Ecosse à pratiquer la triple-distillation). On trouve rarement des notes de tourbe et de fumée dans ces whiskies. Parmi les distilleries fermées dans les décénnies récentes, signalons INVERLEVEN (fermée en 1991), LADYBURN (1975), SAINT-MAGDALENE (1983 –dont les whiskies portent parfois le nom de LINLITHGOW, nom de la localité).
EDINBOURG et son château, qui surplombe le Firth of Forth, l'estuaire de la rivière Forth (Photo : © Hugh)
Mais cette région est aussi, et quelque part d’abord, une région de stockage et de mise en bouteille de single-malts de toutes les régions (eh oui, même d’ISLAY !) ou presque, et bien entendu c’est par ailleurs le fer de lance du whisky de grain (maïs, blé, avoine…) qui sert principalement à l’élaboration des blends, qui en utilisent la plus grande quantité, et représentent à eux seuls encore plus de 90 % du marché mondial. Les single-grains, eux, destinés à être commercialisés pour eux-mêmes, sont encore peu répandus, malgré un certain commencement de succès depuis peu (grâce à une commercialisation plus médiatique aujourd’hui, et à des versions de négoce de ses whiskies les plus âgés), d’où une certaine « garantie de pérennité », entérinée d’ailleurs par le « Wash Act », décision de la couronne royale en 1784 d’accorder un régime bénéficiaire avec des droits particuliers à cette région.
2/ Les HIGHLANDS, ou « Hautes-Terres » :
Quasiment synonyme pour beaucoup du Scotch whisky lui-même, c’est sans conteste la région la plus riche d’Ecosse (Rien que pour la Nord-Est de cette région elle compte en effet pas moins de 83 distilleries, dont 8 fermées et deux en sommeil ou en activité intermittente – comme TAMNAVULIN ou MANNOCHMORE – la production de GLENDRONACH ayant été récemment relancée). Cela est sans doute dû au fait qu’elle englobe la région du Speyside, à l’Est….Région autonome depuis la fin du 18 ème siècle, les Highlands, ou « Hautes Terres », regroupent entre l’Ouest, le Nord, et le Centre près de 25 distilleries, auxquelles s’ajoutent les quelque 58 distilleries de la région du SPEYSIDE à l’Est (terme qui signifie littéralement « du côté de la SPEY » - une rivière qui traverse cette région). Cette région dont nous allons reparler est tellement riche en distilleries qu’elle est parfois surnommé « Le Triangle d’Or », probablement aussi du fait qu’elles étaient d’abord toutes illicites et ont assuré depuis longtemps la richesse de la région !
Cour de la distillerie GLENDRONACH, distillerie dont la décoration est marquée par une charte rouge, noir et grise (Photo: © Hugh).
Cette région est assurément celle qui est la plus connue du public quelle que soit son expérience du whisky, car elle recèle notamment la distillerie qui a probablement la plus grosse production de whisky de toute l’Ecosse, à savoir GLENFIDDICH, créée en 1886 (qui produit 10 Millions de litres d’alcool pur par an, soit plus de 10 Millions de bouteilles vendues…), mais aussi celle qui a la réputation internationale la plus prestigieuse (y compris pour les ventes de vieux millésimes aux enchères), à savoir The MACALLAN, créée en 1824. Mais c’est aussi la région de marques très répandues comme ABERLOUR, The GLENLIVET (dont on reparlera), The BALVENIE, créée en 1892 (et qui est une des dernières à malter elle-même son orge), etc… et celle qui a parmi les distilleries les plus pittoresques, de véritables images d’Epinal « antédiluviennes » comme l’est celle de STRATHISLA du groupe CHIVAS Brothers (que possède Pernod-Ricard) avec ses magnifiques cheminées à la toiture en pagode, distillerie qui est d’ailleurs une des plus anciennes d’Ecosse (1786), la plus ancienne étant en réalité The GLENTURRET (1775) dans cette même région, et ensuite celle de BOWMORE sur l’île d’ISLAY (1779).
Donc ces fameux Highlands cachent sous ce terme générique une multiplicité de régions et climats, reliefs, et de caractéristiques aromatiques liées à la flore et aux sols, ce qui conduit à parfois des contrastes étonnants d’une « sous-région » à l’autre, ce qui rends plus complexe encore la notion de terroir qui peut s’y appliquer, les (plus ou moins) grands crus que sont en quelque sorte les Single-Malt pouvant s’avérer parfois très différents d’une distillerie à l’autre, qu’elles soient voisines ou non. C’est ce que nous allons voir en bref ci-après :
2/A : Les Western HIGHLANDS, ou Hautes-Terres de l’Ouest :
Il s’agit des distilleries situées soit dans la région côtière près des îles, au Nord-Ouest de Glasgow, comme OBAN, sur la côte, une assez ancienne distillerie (1794) qui produit un single-malt assez subtil, délicatement boisé et marin à la fois, suffisamment prisée par le public pour faire partie des « Classic Malts » du groupe Diageo, soit proche des montagnes, comme celle de BEN NEVIS (près du Mont Nevis, d’où le nom de la distillerie), créée en 1825, qui produit un whisky plutôt boisé et sec, devenant, en version âgée élevée en fûts de sherry, très chocolatée et fruitée – cette distillerie appartient depuis 1989 au groupe NIKKA qui produit aussi du whisky japonais…(voir chapitre consacré au Japon).
Les Hautes-terres de l'Ouest, avec ses châteaux, mais aussi ses Lochs (Loch Cluanie, Loch Duich, ...)- Photo: © Hugh
2/B : Les Central HIGHLANDS, ou Hautes-Terres du Centre :
Au centre des Highlands, en dessous de la zone des Grampian Mountains, et au dessus des Lowlands, on trouve un certain nombre de distilleries (plus d’une dizaine, mais toutes ne sont pas en activité), dans une région riche en tourbières, en eau de source et au climat plutôt propice, zone allant jusqu’à Aberdeen à l’Est. De la plus petite, EDRADOUR, fondée en 1837, qui produit des whiskies au fruité particulier marqué entre autres par la menthe acidulée – distillerie qui appartient au négociant SIGNATORY VINTAGE), à la plus ancienne (The GLENTURRET, fondée en 1775), de la plus confidentielle (comme NORTH-PORT, fermée en 1983 à celles qui ont fait leur popularité grâce à leur présence notable dans des blends de grande qualité (je pense notamment à la distillerie ABERFELDY qui alimente les blends de DEWAR’S) ou encore BLAIR ATHOL, ROYAL LOCHNAGAR (créée en 1845, et dont le préfixe correspond à un anoblissement par la Reine d’Angleterre, qui l’apprécie particulièrement – c’est un malt assez subtil, et entre autres choses, à la fois boisé, chocolaté et malté).
C’est DALWHINNIE qui emporte la palme de la distillerie la plus isolée de cette région, une distillerie créée en 1897 en pleine montagne, et dont les whiskies font partie de la gamme « Classic Malts » de Diageo. Un Single-Malt qui doit sa popularité à son goût de miel de bruyère assez irrésistible…son parfum qui plaît souvent aux néophytes, mais que les connaisseurs ne s’y trompent pas, c’est un single-malt qu’on peut qualifier de « must » du whisky écossais. Son 15 ans est un classique, mais c’est le 36 ans qui est le chef d’œuvre de la distillerie. Comme hélas nombre de distilleries du groupe Diageo, peu de versions sont produites, ce qui fait vite augmenter les prix des versions âgées même de 20 ans.
Le paysage désolé de vastes montagnes à peine interrompues par quelques forêts, près de la DALWHINNIE (Photo: © Hugh)
2/C : Les Northern HIGHLANDS , ou Hautes-Terres du Nord :
Là aussi, à l’exception des îles avoisinantes (les Orcades, notamment, au Nord-Est) , on trouve une dizaine de distilleries, presque toutes situées sur la côte Est, ou légèrement à l’intérieur des terres, donc en bord de mer ou de Fjord (« Firth » en écossais). Toutes produisent des Single-Malts renommés pour leur délicatesse et leur complexité, sur un registre à la fois herbacé, épicé, floral, fruité et malté : GLENMORANGIE, fondée en 1843, près de Tain, dans une des plus magnifiques baies du Moray Firth, notamment, que j’ai eu la chance de visiter, produit des whiskies très délicats et très complexes, dans lesquels un parfumeur parisien à un jour décelé pas moins de 26 arômes différents ! Sa célèbre salle des alambics, récemment agrandie, possède les alambics les plus hauts d’Ecosse (plus de 5,13 m).
L'impressionnante salle des alambics de GLENMORANGIE et ses anciens hauts alambics Ă gin (Photo libre de droit)
La distillerie est aussi un pionnier reconnu des affinages, sous la houlette de Bill Lumsden, puisque c’est cette distillerie qui a réalisé pour la première fois au monde pour un whisky de malt, en 1993, une deuxième maturation de son single-malt vieilli d’abord en fûts de bourbon, puis en fût de Porto. LVMH, devenu "MHD" pour la France (Moët-Hennessy-Diageo en s'alliant à celui-ci pour certaines marques) possède depuis peu cette distillerie autrefois indépendante, qui est liée ainsi à celles de GLEN MORAY et ARDBEG (pour partie, des distilleries qui ne sont pas voisines pour autant. Non loin de là se situe sa véritable voisine, la distilllerie BALBLAIR, créée en 1790, qui appartient au groupe INVERHOUSE DISTILLERS, et produit des whiskies d’une grande générosité fruitée, herbacée, et délicatement boisée, qui tiennent remarquablement la distance dans le temps (il n’y a qu’à déguster ses malts de 38 ans pour s’en convaincre, les fûts sont remarquablement sélectionnés).
Plus au Nord, on trouve une curiosité, une distillerie double, en quelque sorte, l’une, la mythique BRORA, fondée en 1819, puis fermée en 1983 par Diageo et l’autre, CLYNELISH, construite juste à côté en 1969, toujours en activité de nos jours. BRORA, dont les single-Malts aux notes marines assez présentes, mais aussi marqués par les herbes, étaient marqués par les épices (la moutarde, notamment) et une proportion variable mais significative de tourbe plus que de fumée. Au fil du temps, les Single-Malts de la distillerie BRORA sont devenus de plus en plus recherchés pour leur intense saveur tourbée et ses notes d’agrumes (du sorbet au zeste de citron à la tarte au citron meringué). Ses 30 ans d’âge, encore vendus en édition limitée brut de fût, par les mêmes qui ont fermé la distillerie, s’arrachent à prix d’or (les stocks sont prétendument faibles, mais tout de même, ils dépassent plusieurs centaines d’euros la bouteille !). les CLYNELISH, eux, sont marqués par la cire, les agrumes, mais avec l’âge expriment davantage les herbes et les épices.
Les anciens chais de la distillerie BRORA, aux formes caractéristiques (Photo: © Hugh)
Parmi les autres distilleries, c’est OLD PULTENEY (créée en 1826) qui est la plus au Nord, dans la ville de Wick, du nom du fondateur de cette ville portuaire, Sir William Pulteney. Ici, comme en témoigne l’illustration sur les bouteilles de la distillerie, marins et artisans travaillant à la distillerie sont souvent les mêmes, et les bateaux de pêche sont vraiment l’emblème local par excellence. Un single-malt « tranquille », aux notes délicates fruitées, boisées, légèrement marines, et dont les remarquables versions récentes (15 ans brut de fût ou 17 ans) font preuve d’un hédonisme fruité assez exubérant. Autrement le 12 ans d’âge et son joli packaging ovale, avec le motif du chalutier reporté sur la bouteille, témoigne d’un tempérament modérément marin et fait office d’apéritif consensuel. Son 21 ans est un petit chef-d’œuvre d’équilibre.
3 /Le SPEYSIDE (surnommé parfois « LE TRIANGLE D’OR »):
Cette région, située à l’Est des HIGHLANDS, désigne par convention tout ce qui est situé entre les villes d’Aberdeen à l’Est (et la rivière DEVERON), la rivière FINDHORN a à l’Ouest, Inverness au Nord et le Mont Macdui (Ben Macdui) au Sud. Nommée aussi par certains le « Triangle d’Or », car elle constitue la plus grande concentration de distilleries en Ecosse, voire au monde, il y a en effet (encore aujourd’hui) plus de 50 ! En fait cette région vallonneuse est abondante en rivières, dont certaines ont donné leur nom aux distilleries qu’elles abritent, que ce soit GLENFIDDICH pour désigner la « Vallée de la rivière FIDDICH », The GLENLIVET pour « La Vallée de la rivère LIVET et ainsi de suite. « Du côté de la rivière SPEY » pourrait être ainsi la traduction littérale du terme « SPEYSIDE ». La rivière SPEY en effet, connue autant pour ses saumons que pour ses whiskies, prend sa source dans le Loch Spey, est longue de 172 km, et ses nombreux affluents l’Avon, la Livet, mais aussi la Fiddich, la Deveron, la Lossie, etc…) délimitent en quelque sorte une zone d’environ 32 km sur 90, zone dans laquelle se situe 58 distilleries de malt. Montagneuse, longtemps peu accessible à cheval (jusqu’à la fin du XVII ème siècle), cette région aux châteaux célèbres et aux nombreuses sources, fût idéale pour développer une activité de distillation d’abord bien sûr illicite, ce qui explique une telle concentration. Cela a favorisé la distillation clandestine à l’origine de la quasi-totalité des distilleries de la région encore présentes aujourd’hui. L’eau, l’orge, et la tourbe* présentes sur place en abondance (même si l’orge utilisée n’a pas toujours été écossaise), ont aussi concouru à assurer la pérennité de nombre d’entre elles, ainsi que le fait que la consommation personnelle de whisky par les détenteurs d’alambics clandestins était autorisée au départ, à condition de ne pas mettre en vente ce whisky.
Les gigantesques installations de GLENFIDDICH, ici les entrepots de remplissage et les camions de la marque (Photo © Hugh recadrée)
L’histoire semble établir que les problèmes de répression auraient commencé dès lors que les habitants du Speyside ont souhaité vendre leur whisky au dehors, afin d’avoir une source de revenu plus substantielle, ce que la couronne d’Angleterre n’était pas prête à accepter sans contrepartie sonnante et trébuchante. Dès lors la chasse aux alambics clandestins fût ouverte. Il faudra attendre la début du XIX ème siècle, pour pouvoir goûter en toute quiétude du whisky de la distillerie The GLENLIVET, par l’intermédiaire du Duc de Gordon, propriétaire des terres ou le whisky était produit, et ce grâce à une visite du Roi George IV, qui avait entendu parler de ce whisky mais que personne n’osait lui servir. Il trouva le single malt tellement à son goût qu’il décida en 1823 d’autoriser sa production, de légaliser la distillerie : Son propriétaire était alors George Smith, qui déposa ensuite le nom, obtenant la licence en 1824, afin d’ éviter que les nombreuses distilleries avoisinantes bénéficient de la notoriété du nom « GLENLIVET » qu’elles accolaient à la fin du nom de leur distillerie. Par la suite, donc, The GLENLIVET sera la seule distillerie autorisée à s’appeler ainsi, et pour éviter toute confusion, fît ajouter à son nom le préfixe « The » , tout comme la distillerie The MACALLAN. (le « The » en préfixe distingue d’ailleurs les versions officielles de ces distilleries des versions de négoce) distillerie emblématique de cette région par son utilisation très étudiée d’ex-fûts de sherry.
La grande distillerie The Glenlivet, récemment rénovée et agrandie, dans le paysage typiquement vallonné du Speyside (Photo:© Hugh)
En général peu ou pas du tout tourbés*, les whiskies de la région du SPEYSIDE sont plutôt caractérisés par des notes florales, fruitées et herbacées, avec une présence de l’orge maltée et du sherry (xérès) plus ou moins marqués suivant la distillerie. Le fameux caractère fruité des whiskies de cette région dont le succès ne se dément pas en ce qui concerne le public néophyte, mais aussi connaisseur, est donc bien présent (comme les agrumes, la pêche, voire les fruits rouges et fruits mûrs), mais pas aussi dominant qu’on pourrait le penser : Ainsi si le CARDHU 12 ans officiel est très nettement fruité, The GLENLIVET, de même âge sera plus floral que fruité.
Le climat tempéré, l’eau pure (l’eau des nombreuses rivières aux alentours est utilisée tant pour brasser l’orge, que pour réduire le whisky une fois distillé - ses eaux de source naturelles sont très populaires) influence les single-malts ,qui sont en général plutôt ronds, élégants et plus faciles d’accès pour les nouveaux venus que ceux d’autres régions comme Islay par exemple. Bien des variantes aromatiques existent, du plus fruité et floral (CARDHU, The GLENLIVET) au plus charpenté et marqué par le sherry, le bois (GLENFARCLAS, The MACALLAN – du moins les versions 100 % en fût de sherry !) en passant par ceux qui présentent plutôt des notes de céréales (orge maltée, brioche) comme par exemple The BALVENIE..ou de noisette (KNOCKANDO).
Tous porteront donc la mention SPEYSIDE sur l’étiquette des bouteilles, et parfois même en plus de la mention de provenance générale à l’intérieur de l’Ecosse (Highlands). Le succès de cette appellation d’origine contrôlée en réalité, peut se comparer à celui de la région de Bordeaux pour les vins français, respectivement, étant entendu que les ventes de vins sont bien sûr infiniment supérieures à celles des whiskies, et des single-malts à fortiori. Le SPEYSIDE est à coup sûr, en volume, la région la plus « vendeuse » en France, par exemple.
Paysage typique du Speyside: Un peu de montagnes, un peu de forêts, une rivière...(Photo: © Hugh)
NDLR : A noter, jusqu’au XIX ème siècle, les alambics des distilleries du SPEYSIDE étaient non pas chauffés au gaz (comme souvent aujourd’hui) ou au charbon (comme encore il y a encore quelques décennies), mais au feu de tourbe, et parfois abondamment, ces whiskies étaient donc tous fumés et tourbés ! Par la suite, et surtout après 1860 (date de lancement des premiers blends), afin de fournir un distillat plus facile à assembler pour les blends, et ce faisant, à destination d’un plus large public, cette pratique fut quasiment abandonnée au XX ème siècle, pour être remplacée par le chauffage au gaz. Seules quelques distilleries de la région ont souhaité présenter au public des whiskies tourbés, qu’ils le soient en aval de la production (comme par exemple les expériences en éditions limitées de la distillerie The BALVENIE avec l’ « Islay Cask », à la fin de maturation dans un fût ayant contenu du whisky d’Islay, et plus récemment GLENFIDDICH avec le « Caoran Reserve »), ou en amont, à l’ancienne (comme la distillerie BENRIACH, seule à présenter en permanence au moins deux des single-malts de sa gamme en version tourbée (comme le « Curiositas » 10 ans ou l’ »AUTHENTICUS » 21 ans). La distillerie ARDMORE, située elle plus au Sud, tourbe ses whiskies depuis longtemps, et encore de nos jours...
La distillerie ARDMORE, une des rares distilleries à tourber encore ses single-malts (Photo: © Hugh)
3 b/ Les HIGHLANDS de L’EST (autour de la région du Speyside), ou Hautes-Terres du Nord-Est:
Dans cette partie de l’Ecosse qui n’est pas vraiment une région à part entière mais une partie du tout des Highlands n’appartenant ni au Speyside, ni aux régions de l’Ouest et du Nord avec des distilleries très typées et connues, l’on regroupe habituellement d’autres distilleries moins connues aujourd’hui mais non moins intéressantes sous le vocable d’Highlands de l’Est. Plusieurs de ces distilleries sot aujourd’hui fermées, telle DRUMGUISH (1895-1911). Mais non loin de son emplacement a été construite une autre distillerie toujours active, nommée The SPEYSIDE. Fondée en 1962, elle n’a pourtant été terminée qu’en 1987 et a commencé à produire qu’en 1990. C’est celle qui est la plus proche de la région du Speyside, au Sud, tandis que la plupart des autres que nous allons citer sont plutôt proches des Lowlands en réalité, ente Aberdeen au Nord-Est et Dundee au Sud. Il en est ainsi de GLEN MOHR (1892- 1983) distillerie fermée mais dont les malts délicatement boisés et aux notes de thé sont recherchés des connaisseurs et certains encore disponibles en versions de négoce, également de GLEN ALBYN (1846- fermée en 1983, puis détruite) bien plus confidentielle (seules de rares versions de négoce sont de temps à autre disponibles). Une autre distillerie, LOCHSIDE, fondée en 1957, en revanche, n’a cessé de produire qu’en 1992, et bien que ses chais aient été détruits en 1999, une partie de sa production est encore disponible auprès de négociants renommés en version relativement jeune, mais ce sont les versions les plus âgées qui donnent toute leur mesure au distillat, faisant preuve d’une belle complexité et finesse.
La distillerie LOCHSIDE, fermée, mais dont on trouve régulièrement de beaux flacons chez les négociants (Photo: © Creative Commons)
Du côté des distilleries « sauvées du naufrage », on trouve dans le giron du groupe M.H.-Diageo la distillerie GLEN ORD, fondée en 1838 et qui est toujours active, trouvant récemment une seconde jeunesse sous la forme d’un single-malt jeune dans la série des « The Singleton of » du groupe (ou l’on retrouve également les distilleries DUFFTOWN et AUCHROISK). Ses anciennes versions officielles, elles, sont assez recherchées. La distillerie GLENCADAM, elle, créée en 1825 fut mise en sommeil en 2000 avant d’être réouverte après son rachat par Angus Dundee, avant de reprendre sa production. C’est finalement FETTERCAIRN (dite également OLD FETTERCAIRN), une des plus anciennes distilleries à avoir obtenu la fameuse licence de distillation (elle date en effet de 1824), est propriété du groupe United Spirits via le groupe Whyte & Mackay. C’est une distillerie chère à l’assembleur Richard Paterson, et toute la gamme a été récemment refondue pour répondre, dans ses versions âgées au repositionnement dans le luxe du groupe propriétaire. Depuis peu, le groupe indien en question, United Spirits, a revendu Whyte and Mackay et ses distilleries de malt à M.H.-Diageo. Le monde est petit finalement !
La discrète distillerie FETTERCAIRN, dont les versions âgées donnent la pleine mesure du style maison (Photo: © Creative Commons).
Les îles Hébrides (intérieures) :
4 / L'île d’ ISLAY:
Cette île, située à l’Ouest de la presque île de Campbeltown, possède la réputation de produire les meilleurs whiskies d’Ecosse, selon un certain nombre de connaisseurs, mais certains considèrent que les plus marins des whiskies des Highlands du Nord les surclassent. En tout cas ce sont des whiskies qui ne laissent pas indifférents, car ils sont en général très typés (tourbe, fumée, iode, algues, sel, etc.. bref, marins au sens large). Les amateurs et débutants eux, habituellement les fuient comme la peste, car déjà du verre de whisky posé sur une table, une odeur puissante et caractéristique souvent assez médicinale, s’en dégage (la tourbe et/ou la fumée, d’abord). Un apprentissage progressif leur sera ainsi nécessaire pour qu’ils appréhendent les choses différemment, mais dans ce domaine aussi, même une initiation bien conduite ne saurait se substituer au goût de chacun, et faire apprécier des whiskies très particuliers, qui rappelont le, furent majoritaires ( je veux parler des whiskies tourbés, bien au-delà de ceux produits dans l’île ) en Ecosse avant 1860, et quelle que soit la région….
L’île produit des whiskies assez typés depuis au moins le XVIII ème siècle. Sa situation géographique, à l’Est de l’Irlande, fit de cette île d’après plusieurs sources, la probable première région à avoir accueilli des moines irlandais, qui auraient introduit ainsi le whisky en Ecosse, mais la date en demeure toujours incertaine, même si aux yeux de nombreux historiens du whisky, le fait semble établi. La première référence officielle date de 1494, il s’agit d’une commande officielle d’ « acqua vitae » pour le Roi d’Ecosse Jacques VI. Les récits des guerres et visite royales en Ecosse font état qu’à cette époque, une cour puissante et influente régnait sur l’île. Des artisans, des sculpteurs, des maçons et forgeurs de métaux y travaillaient. Cette île de 40 km de longueur sur 32 km de largeur que creuse deux bras de mer, le Loch Indaal et la Loch Guinard, est une terre fertile, tant pour l’orge que pour la tourbe, qui recouvre un quart de l’île ! C’est Daniel Campbell de Shawfield, député de l’agglomération de Glasgow, qui achète l’île dans son ensemble en 1725, et entreprend de repenser toute son activité, dont la partie qui nous intéresse le plus sera que cela permettra de construire 12 distilleries, vers 1816, dans des conditions tumultueuses, au prix il est vrai notamment d’expropriations massives de paysans locaux. Il faut noter que cette région sera sous contrôle des officiers des impôts qu’en 1850, toutes les distilleries étant jusque là illicites…
Au Sud de l'ïle d'Islay, un moment de contemplation devant la mer, le dos à la distillerie LAPHROAIG (Photo: © Hugh)
Il faut aussi savoir que l’île a autrefois abrité près de 21 distilleries au XIX ème siècle, selon le grand historien du whisky Alfred Barnard qui mentionne le Scotch Whisky Industry Record, dont une se prénommait « KILDALTON » (du nom d’un lieu ou figurent nombre de très vieilles croix celtiques) et n’a vraiment existé que de 1849 à 1852, et une autre dénommée « OCTOMORE » (1816-1852) que le négociant Murray Mc DAVID aimerait ramener à la vie. Par ailleurs, si l’orge locale est utilisée et maltée en partie sur Islay, l’essentiel voire la totalité des whiskies de l’ile font metttre en bouteille leurs whiskies sur le continent, dans d’immenses entrepôts près de la ville de Glasgow, et la situation géographique de ces distilleries la plupart très près de la mer, d’un port), avec de grands quais de débarquement, a été pensée à cet effet. Un drôle de paradoxe finalement pour des whiskies qui se veulent marins…Heureusement, pour le bonheur des amateurs, lorsqu’on déguste un CAOL ILA, par exemple, rien n’indique qu’il a entièrement été élevé…en banlieue de Glasgow !
Au Nord-Est d’Islay (Distilleries BUNNAHABHAIN et CAOL ILA):
Au Nord-Est de l’île, la distilllerie BUNNAHABHAIN, fondée en 1883, produit des Single-malts qui jusqu’en 2007 avaient la réputation d’être parmi les plus légers de cette région, et avec comme caractéristique principale de ne pas être tourbés. Contrairement à presque tous les autres whiskies de l’île. BUNNAHAHABHAIN était donc sur des notes plutôt herbacées, de fruits secs (noisettes), à peine vanillées. Mais son statut de (seule, puisque BRUICHLADDICH produit des versions de plus en plus tourbées, en plus de ses « standards » peu tourbés) distillerie « Unpeated » (non tourbés) n’est maintenant plus d’actualité, puisque la distillerie a récemment présenté (hiver 2007) sa première version tourbée, intitulée « TOITEACH » (voir chapitre des notes de dégustation). Cette distillerie est aujourd’hui la propriété de Burn Stewart Distillers, qui possède également les distilleries DEANSTON et LEDAIG. Par ailleurs, signalons que lorsque le distillat vieilli bien, les résultats peuvent être réellement magnifiques, en témoignent certaines versions de négoce, et, dans une moindre mesure le 40 ans d'âge officiel (très fin mais très boisé).
Vue en contre-plongée de la salle des alambics de la distillerie BUNNAHABHAIN (Photo: © Hugh).
Non loin de là se trouve l’imposante distillerie de CAOL ILA, fondée en 1846, détruite en 1972, mais entièrement reconstruite en 1974 puis agrandie, et avec sa magnifique salle des alambics. Elle constitue la plus grande capacité de production de whiskies de l’île, soit près de 3 millions de litres par an. Propriété de Diageo et récemment « promue » nouveau whisky de sa gamme « Classic Malt », la distillerie CAOL ILA produit des Single-malts raffinés et assez tourbés, avec une texture grasse, souvent huileuse, et des notes assez caractéristiques de fumée mêlées de notes anisées et terreuses (plus ou moins suivant les versions). Contrairement à d'autres distilleries, il semble que le distillat de CAOL ILA soit à son apogée plutôt entre 8 et 14 ans qu'après 18 ans, mais il y a de belles exceptions...
Ce Single-malt, très présent sur le marché, français notamment, et aussi bien en version officielle que de négociants divers et de qualité très variable (allant du pire au meilleur- là aussi si vous hésitez, privilégiez une version officielle ou d’un négociant que vous connaissez) est aussi un des whiskies de prédilection des assembleurs (à destination des blended-whiskies et des blended-malts), pour son parfum intense et subtil et pour sa typicité îlienne. Bien entendu, d’autres whiskies de cette île peuvent entrer dans les assemblages, mais tous en petite quantité sous peine d’écraser par trop de présence les whiskies des autres régions.
Vue sur l'ïle de Jura depuis l'intérieur de l'immense salle des alambics de la distillerie CAOL ILA (Photo: © Hugh).
Au Nord-Ouest d'Islay (Distillerie KILCHOMAN):
La Distillerie KILCHOMAN, micro-distillerie indépendante, existe depuis 2002, mais à cause de problèmes divers elle ne produit en continu que depuis 2006. Elle est une des rares distilleries (en Ecosse, et a fortiori sur l’île d’Islay) à malter elle-même son orge sur place (avec BOWMORE et LAPHROAIG). Les fûts de Bourbon utilisés proviennent de la distillerie américaine Buffalo Trace, mais la distillerie utilise aussi, plus minoritairement des fûts de Sherry Oloroso. Malcom Rennie, un ancien responsable des alambics d’ARDBEG, dirige cette distillerie, qui comporte un alambic de wash et un de still, et produit environ 100 000 litres d’alcool par an, soit environ 630 fûts de Bourbon et 40 Sherry Butts. Le distillat, ou « new make », était déjà disponible à la vente sous forme d’échantillons de 5 cl alors que le whisky avait à peine un an d'âge. C’est en 2009 que l’on aura enfin l’occasion de déguster le premier single-malt de la distillerie, nommé « Inaugural Release » (et partiellement vieilli cette fois en fûts de Sherry). Depuis, la distillerie a produit plusieurs versions, dont une régulière, à partir de 2012, nommée "Machir Bay" (avec à la fois des fûts de Bourbon & de Sherry) et avec un pourcentage de fûts plus âgés que les autres versions. C'est en 2011 que la distillerie propose une version dite "100 % ISLAY" (avec de l'orge produite par une ferme voisine lui appartenant) et par ailleurs la première édition 100 % Sherry casks.
La salle des alambics de la distillerie KILCHOMAN, avec le coffre à alcool au milieu de la photo (Photo: © Mike).
Au Centre d’Islay (Distilleries BRUICHLADDICH et BOWMORE):
Au Centre de l’île, dans un petit village construit autour de la distillerie, se trouve donc la distillerie BRUICHLADDICH, celle qui fût également connue comme « une des deux seules distilleries non tourbées d’Islay » ,sauf qu’elle a toujours utilisé de la tourbe, en une faible proportion il est vrai (la version la moins tourbée ne fait que 2 ppm…). Fondée en 1881 par les frères William et par John Gourley Harvey, elle a connu de nombreuses vicissitudes, a fermé en 1929 pendant 9 ans, puis de nouveau en 1994, avant d’être réouverte en 2000 grâce à sa reprise et sa rénovation complète par la société de négoce Murray McDavid, sous la houlette d’un triumvirat composé entre autres de Jim McEWAN le maître-distillateur (ancien directeur la distillerie BOWMORE, « renforcé » par une équipe familiale de choc et de charme – Barbara et sa fille Lynne, les meilleurs ambassadrices du scotch qu’on puisse trouver !), et de Mark REYNIER.
Les Single-malts de la distillerie BRUICHLADDICH sont caractérisés par d’abord l’absence de filtration à froid et d’ajout de caramel (ce qui est aussi vrai pour les whiskies produits par la société de négoce), ils sont embouteillés à 46 %, le plus souvent. Les notes dominantes sont les agrumes, les herbes, de légères notes marines (iode et sel), de manière modérée et équilibrée, mais aussi des épices à foison, et plus récemment, un caractère souvent assez alcooleux et vineux (pour les versions affinées). Certaines versions sont par contre davantage tourbées (comme les « 3D ») ,etc… Voir rubrique des notes de dégustation à venir. 2005 a été l’année ou la distillerie a été pour la première fois en mesure d’utiliser de l’orge locale, et de manière générale, de plus en plus, c’est une production biologique qui est favorisée. C’est en 2006 qu’est embouteillé le premier whisky issu de la nouvelle direction, le PORT CHARLOTTE Evolution (PC 5), un single-malt très tourbé nommé PORT CHARLOTTE en hommage à une ancienne distillerie de l’île, aujourd’hui disparu: En effet, la Distillerie PORT CHARLOTTE, du nom d’une ancienne distillerie de l’île, a été relancée par la société de négoce Murray McDavid, en 2006, dans le village de Port Charlotte, sur le site d’une autre distillerie défunte (LOCH INDAAL 1829-1929). Plusieurs versions, dont récemment la « P.C. 6 », fortement tourbées, ont déjà été commercialisées avec succès depuis, le plus souvent en brut de fût. En 2012 & 2013, des éditions réduites à 46 % ont été commercialisées. Il existe même des versions de négoce du PORT CHARLOTTE.
Parallèlement, Jim McEWAN a entrepris plusieurs expérimentations alternatives, notamment de distillations plus nombreuses (3 pour l'OCTOMORE, single-malt jeune mais très tourbé, et 4 pour le "X+4" de BRUICHLADDICH).
La salle des alambics de BRUICHLADDICH, dans laquelle des distillats très variés ont pu être produits... (Photo: © Mike).
L’autre distillerie de cette partie de l’île, BOWMORE, fondée officiellement en 1779 non loin de la crique du Loch Indaal par David Simson, un fermier et un négociant de la région. C’est une des plus anciennes distilleries d’Ecosse et une de celles qui tendent à garder les méthodes de production traditionnelles (comme réaliser soit-même le maltage de la tourbe locale). BOWMORE utilise l’eau de la Laggan River (assez tourbée), mais fait bénéficier ses chais également des embruns de la mer qui lèche littéralement la facade de la distillerie. La tourbe est également abondante, mais si ce single-malt subtil est caractérisé par des notes tourbées, il n’est pas dominé par celles-ci comme chez nombre de versions de ses consoeurs plus au Sud de l’île, et s’avère dans ses versions âgées (ou dans ses 15 ans d’âge) d’une complexité enviée, avec des notes marines diverses (tourbe, algues, iode, sel), mais aussi des notes boisées, parfois chocolatées, épicées (anis étoilé) rehaussées d’une pointe de cerise. Souvent la note caractéristique sera florale, et notamment une note de violette, typique de BOWMORE. Mais certaines versions mettront plus en avant la tourbe, le boisé brûlé et les fruits mûrs.
C’est une distillerie également très prisée par les collectionneurs en raison de la présentation thématique (basée sur des légendes locales et au-delà , sur le thème de la sirène, de monstres marins, de fantômes divers) des boîtes contenant notamment la version courante sans précision d’âge intitulée « Legend », ainsi que d’autres versions. Avant de renvoyer au chapitre des notes de dégustations, j’ajouterai que la réputation de la distillerie la plus prestigieuse est encore davantage celle qui est liée à son 42 ans d’âge intilulé « Black Bowmore », une version mythique vieillie en fûts de Sherry et très chère et dont le nez à lui seul s’avère déjà une expérience inoubliable…Sans parler des ses déclinaisons en version vieillie en fûts de Bourbon ("White Bowmore") ou en fûts de Bourbon & de Sherry ("Gold Bowmore"). Après de nombreuses fermetures et réouvertures par d’autres propriétaires, la distillerie se stabilisera enfin à l’occasion de son entrée en 1994 dans le groupe Morrisson Bowmore (qui inclut également les distilleries AUCHENTOSHAN et GLEN GARIOCH) que possède le célébre groupe et distillerie japonaise SUNTORY.
La salle des alambics de la distillerie BOWMORE, avec leurs formes caractéristiques (Photo: © Mike).
Au Sud-Est d’Islay (Autrefois PORT ELLEN et toujours LAPHROAIG, LAGAVULIN, ARDBEG):
Au Sud-est de l’île, se trouvent les distilleries qui sont en général les plus lourdement tourbées de l’île. Mais il y a un monde entre certaines vieilles bouteilles d’une douceur exquise et les jeunes versions brut de fût souvent assez violentes de ces mêmes distilleries. Ici, les bateaux accostent dans le port qui porte aussi le nom d’une distillerie fermée, à savoir PORT ELLEN. De cette distillerie fondée en 1825 par deux précurseurs du whisky, il ne reste plus qu’une aire de maltage qui sert aux distilleries voisines, et deux des trois cheminées en pagode.
Ce whisky mythique, désormais très recherché par un certain nombre d’amateurs, est encore disponible auprès de certains négociants, mais aussi auprès de détaillants spécialisés qui vendent peu à peu des embouteillages officiels provenant du stock (ou devrait on dire « trésor de guerre ») que s’est constitué la société Diageo, bouteilles en éditions très limitées commercialisées en brut de fûts uniquement. Toutes ces versions, lorsqu’elles respectent le caractère extrêmement raffiné de la distillerie, sont d’inestimables preuves du savoir-faire écossais à son apogée encore dans les années 1980, et témoignent du caractère exceptionnel de ce single-malt en termes d’équilibre, de notes marines suaves et crémeuses, de notes fumées et cendrées du plus bel effet, et de notes florales, fruitées sans égal à mon sens. Voir à se sujet tant l’historique consacré à cette distillerie et les notes de dégustation dans les pages Coup de Cœur et dans le corps des notes de dégustation.
La facade maritime de la distillerie PORT ELLEN, ou plutôt des chais & aires de maltage utilisées aujourd'hui par d'autres distilleries de l'île.
Les "lettres" sont devenues en quelque sorte un lieu de pèlerinage pour les passionnés du whisky (Photo: © Hugh).
Non loin de là , se trouvent, par ordre de proximité, la voisine LAPHROAIG, puis LAGAVULIN, enfin la distillerie ARDBEG. La distillerie LAPHROAIG (fondée en 1815 par ceux qui se faisaient appeler les « frères Johnston »), comme ses deux immédiates voisines, fait tourber son malt de manière assez importante, mais les notes de fruits exotiques de son distillat et le résultat harmonieux et peu tourbé de certaines versions âgées fait parfois oublier cet aspect tourbé-fumé assez présent. Son brut de fût de 10 ans d’âge est certainement un des whiskies les plus accomplis de la distillerie, voire de l’île, mais leur 10 ans d’âge réduit qui un est des whiskies réduits d’Islay les plus populaires auprès des néophytes. La distillerie possède également un des sites internet ou les consommateurs inscrits comme « amis de la distillerie », sont parmi les plus vivants.
L’amateur de LAPHROAIG peut ainsi par simple inscription après l’achat d’une bouteille, se retrouver possesseur (fait rare) d’une parcelle de terre sur Islay, près de la distillerie qu’il est invité à visiter en toute convivialité. Avec un whisky comme le « Quarter Cask », et sa 2ème maturation dans des fûts plus petits, elle a cherché à renouer avec ses racines, afin de proposer un single-malt qui se rapprocherait le plus possible de ce qu’il était il y a une centaine d’années (voir notes de dégustation).
Les aires de maltage de la distillerie LAPHROAIG, une des rares distilleries écossaises à en exploiter encore une (Photo: © Hugh).
La distillerie LAGAVULIN, elle a la chance de faire partie de la sélection dite « Classic Malts » initiée par la société propriétaire Diageo, et à ce titre bénéficie de moyens publicitaires considérables, et d’une excellente distribution. Cette distillerie qui date officiellement de 1816 remonte à bien plus loin semble t’il, jusqu’à au moins 1742 (clandestinement s’entend !), et elle était double (une autre était nommée « Kildalton »). C’est en 1837 que seule une deux distilleries survit sous ce nom, sous la houlette de Donald Johnston. LAGAVULIN produit un single-malt très tourbé, très fumé et marin, mais cela peut évoluer suivant les versions. La plus célèbre bouteille de LAGAVULIN auprès du grand public a longtemps été la bouteille de couleur verte dans lequel se trouve un des rares 16 ans d’âge du marché français du whisky de malt, notamment en grandes surfaces. En effet, cela semble « l’âge de raison » ou l’âge optimal pour cette distillerie. Elle a prouvé qu’elle pouvait œuvrer également dans la subtilité lors de l’édition en double maturation d’un LAGAVULIN utilisant une maturation finale en fûts de Sherry Pedro Ximenez, en amplifiant encore sa palette aromatique. Pour l’évolution récente des productions de la distillerie, voir au chapitre des notes de dégustation.
La salle des alambics de LAGAVULIN, avec ses alambics en forme de poire, et, "à l'arrivée", un distillat très fin (Photo: © Hugh).
Enfin, la dernière à l’Est sur la carte, la distillerie ARDBEG, fondée en 1815 et quelque peu mise à mal par la suite, puis mise en sommeil en 1981, vit une seconde naissance depuis sa reprise en main par le groupe GLENMORANGIE Plc en 1997 (puis partagée entre les groupes Diageo et LVMH plus récemment), et réouvre ses portes avec une production régulière (et beaucoup de brut de fût jeunes dernièrement) et la vente de vieux millésimes toujours plus recherchés et toujours plus chers hélas. Victimes de la spéculation, ces millésimes d’environ 30 ans d’âge ne se vendent plus désormais à moins de 300 euros, mais ils sont aussi parmi les whiskies considérés par quelques spécialistes comme les meilleurs au monde… Jugez vous-même, si toutefois vous avez accès à ces versions. Là aussi, fort heureusement, il existe encore des versions plus abordables pour satisfaire l’amateur comme le connaisseur.
Une vue insolite de la distillerie ARDBEG, depuis l'arrière, avec l'ancien alambic qui annonce le parking (Photo: © Hugh).
5 / La presqu’ile de CAMPBELTOWN (région du MULL OF KINTYRE):
A la fois ville emblématique du style des whiskies produits dans cette région, et nom de cette région entière, plus connue sous le nom de « Mull fo Kintyre » (nombreux sont ceux qui connaissent d’ailleurs davantage la chanson de Paul Mc Cartney du même nom que les whiskies de la distillerie SPRINGBANK par exemple), CAMPBELTOWN est une petite ville située au sud de la région du Mull ( = péninsule ) de Kintyre, entre l’île d’ISLAY et celle d’ARRAN. Elle fût fondée par Archibald CAMPBELL, 7ème Duc d’Argyll, en 1699. C’est une ville qui compte aujourd’hui plus de 6000 habitants.. Les trois distilleries subsistant aujourd’hui sont toues situées au Sud de la presqu’île.
Là encore, cette région était particulièrement propice à la production de whisky, pour des raisons tant économiques (approvisionnement aisé et quasi-illimité en eau et en tourbe, mais aussi en orge – SPRINGBANK étant une des seules distilleries à malter elle-même son orge et maîtriser le processus d’élaboration de son whisky jusqu’à la mise en bouteilles, voire même la vente – voir plus loin - d’où la mention « Local barley » sur d’anciennes versions) que stratégiques (la région étant suffisamment éloignée du pouvoir royal central anglais pour décourager des visites trop fréquentes des officiers de contrôle et de recouvrement des impôts (nommés « esxcise men »).
Une vue partielle des chais de SPRINGBANK, dont une partie est réservée à la maturation de fûts d'autres distilleries pour le négociant Cadenhead's,
lié à la maison J.& A. Mitchell, propriétaire de SPRINGBANK (Photo: © Hugh).
Cette région autrefois foisonnante en distilleries (en 1824, on en dénombrait plus de 50, pour 3,5 Millions de litres de whisky, selon le grand historien du whisky Alfred Barnard, puis à la fin du XIX ème siècle, il n’en restait plus qu’une vingtaine (les chiffres oscillent entre 21 et 23 distilleries pour une production de 10 Millions de litres à l’époque, ce qui est énorme (le chiffre est égal à la production annuelle d’une des plus grosses distilleries du monde, GLENFIDDICH), comparé à aujourd’hui ou la production est beaucoup plus faible, et ou il ne reste que 3 distilleries dont une seule en activité stable (SPRINGBANK),et en production intermittente (GLEN SCOTIA), plus une bien plus récente (GLENGYLE). La crise de 1930, la prohibition américaine (on exportait en effet beaucoup de whisky d’Ecosse, très apprécié aux Etats-Unis, notamment en provenance de l’Ile d’Islay, et de Campbeltown, non loin), le succès grandissant des whiskies des régions du Speyside et des Lowlands, et il faut bien le dire semble t’il une certaine surproduction, auront raison des trois quarts des distilleries de la région, et ce dès 1934.
Les whiskies de cette région surnommée par Barnard « La côte du whisky », avaient au XIX ème siècle une réputation inégale, allant du meilleur (on raconte qu’un blended- whisky ou blended-malt composé de SPRINGBANK et d’un autre whisky local aujourd’hui disparu constituait « le plus grand whisky de toute l’écosse » aux dires des amateurs) au pire : Certaines distilleries d’antan étant soupçonnées de réutiliser pour la maturation de leurs whiskies d’anciens tonneaux ayant contenu des harengs ! Le grand écrivain du whisky Charles MacLEAN le mentionne dans son ouvrage « Le whisky Pur malt » et nous informe du surnom peu ragoûtant de ces whiskies, à savoir « poisson puant » ! Dieu merci, nous sommes loin aujourd’hui de cette situation !
Une vue (au repos) de la chaîne d'embouteillage de SPRINGBANK, distillerie artisanale qui maîtrise la quasi-intégralité du processus
de fabrication du whisky (seule l'orge n'est pas toujours locale).-Photo: © Hugh
C’est la famille MITCHELL, grâce à la création de la « J & A MITCHELL Co Ltd », qui acquiert en 1828 la principale distillerie de cette région, la prestigieuse SPRINGBANK. Cette société va, en partenariat avec la société CADENHEAD’S, commercialiser les trois whiskies produits dans les alambics de la distillerie (SPRINGBANK, LONGROW et HAZELBURN), mais également exercer le commerce de négoce d’autres whiskies d’Ecosse et d’autres alcools dont le rhum ( régulièrement utilisé pour affiner certaines versions de la distillerie, en plus du bourbon, du sherry, voire du madère ). Fait également rare, cette affaire familiale l’est toujours, car c’est Hedley G. WRIGHT, arrière arrière petit-fils d’Archibald MITCHELL (le fondateur) qui la dirige aujourd’hui.
Si certains journalistes et Ĺ“nologues du whisky ont parfois du mal Ă se mettre dâ€accord sur la qualitĂ© des whiskies de la distillerie SPRINGBANK aujourd’hui, il n’en demeure pas moins que c’est une des distilleries Ă©cossaises Ă avoir la meilleure fortune critique dans le temps : Un journaliste du Times Ă©lu mĂŞme en 1983 SPRINGBANK « 1er Grand Cru ClassĂ© » , au mĂŞme titre qu’un vin de type PETRUS. Aujourd’hui encore, cette distilllerie est rĂ©gulièrement louĂ©e pour la qualitĂ©, l’équilibre et le caractère marin unique (les notes salĂ©es et de noix de coco notamment) de ce single-malt de caractère charpentĂ© et Ă©picĂ© pour les versions jeunes, gourmand et d’une grande profondeur pour les versions âgĂ©es, que ce soit sous embouteillage officiel (de la distillerie) ou indĂ©pendant (des nĂ©gociants). Les anciennes versions, souvent de 25 Ă 40 ans d'âge (comme les « Local Barley » par exemple) sont très recherchĂ©es. Voir le chapitre des notes de dĂ©gustation…
Une ancienne version officielle de SPRINGBANK, dans la prestigieuse série des "Local Barley", ici un des
single-cask millésimé "1966" (Photo © T.W.E. )
Les single-malts de cette distillerie sont déclinés en plusieurs versions, une version peu tourbée (SPRINGBANK), une non tourbée (HAZELBURN, du nom d’une ancienne distillerie locale), et une tourbée et fumée ( LONGROW ). Autres particularités, tous ces whiskies sont non filtrés à froid et souvent réduits à 46 %, un degré intermédiaire entre les 40 % standards et les bruts de fûts, et ils sont distillés quasiment trois fois (« 2,5 fois » dit on ici) au lieu de deux pour la plupart des malts écossais. La distillerie de GLEN SCOTIA, en partie gérée par les MITCHELL, l’autre par la Loch Lomond Distillery Co, élabore par intermittence des single-malts souvent non tourbés, plutôt herbacés et aux notes d’amande et de guimauve, et sont pour certains (notamment l’ancienne édition 14 ans officielle) d’une fraîcheur inouïe….Enfin, la dernière distillerie de la région, GLENGYLE, tente de ressusciter le whisky d’une ancienne distillerie du même nom, et produira, vers 2014, les premiers single-malts d’âge "convenable" sous le nom de KILKERRAN, mais a déjà lancé, dès le printemps 2009, son premier single-malt. Plus de 5 versions différentes ont déjà été commercialisées.
L'ancien 14 ans d'âge de la distillerie GLEN SCOTIA, un malt d'une belle fraîcheur derrière l'austérité du packaging, chose qui ne semble jamais
avoir été le fort des propriétaires de la distillerie, à en juger leur dernier "forfait" avec le relookage complet de la gamme en 2013, qu'on n'ose
même pasreproduire ici tellement c'est hideux ! (Photo: © Grégoire Sarafian).
Les autres régions, et îles :
6 /Les Autres îles -L’Archipel des Orcades : ORKNEY ISLANDS:
Cet archipel de 70 îles, situé au Nord-Est de l’Ecosse, juste en dessous des îles Shetland sur la carte, est la zone de production de whisky d’Ecosse la plus septentrionale, c'est-à -dire la plus près du pôle (Nord en l’occurrence), mais aussi la plus éloignée de la capitale. C’est bien entendu ce qui permit permit aux distillateurs clandestins d’échapper pendant longtemps aux officiers des impôts de la couronne britannique, les fameux « excise men », ce qui est colporté par de nombreux récits et légendes. Les anecdotes savoureuses ne manquent pas à ce sujet, les églises de l’île principale n’ayant pas abrité que des croyants, mais bel et bien des stocks de whisky illicites produits dans l’île, sous couvert parfois de cérémonies déplorant la perte de personnes dues à une hypothétique épidémie de peste, destinées uniquement à effrayer les inspecteurs !
Après de nombreuses invasions (les Vikings l’occupent dès le 8 ème siècle, en témoigne le dessin d’un drakkar sur certains embouteillages de SCAPA, l’un des deux single-malts subsistant dans la région aujourd’hui) et occupations, notamment par le Danemark, l’archipel, riche d’une histoire de plus de 5000 ans, ne fut rattachée à l’Ecosse que seulement depuis le XV ème siècle, en 1468, littéralement vendue par le roi du Danemark à James II d’Ecosse. Cette île accueillait encore au XIX ème siècle jusqu’à 9 distilleries, mais il n’en subsistera plus que deux par la suite.
A noter, traditionnellement, l'on a coutume de rattacher cette distillerie à la région des Highlands, même si son histoire et son whisky sont bien différents...
Une pierre levée ou mégalithe des îles Orcades (Orkney Islands), symbole du passé ancien et partagé de cet archipel (Photo: © Hugh).
Fondée en 1798 par David Robertson, HIGHLAND PARK, la distillerie la plus célèbre de l’île principale, ou « mainland », est aussi une des plus anciennes, et bénéficie des sources de la fontaine de Cattie Maggie, et bien entendu utilise largement la tourbe locale, abondante. Les actuels proprétaires (depuis 1935), Highland Distillers, devenus partie intégrante de The Edrington group, sont un conglomérat de distilleries de single-malt (comme par exemple The Glenrothes, The Macallan, ou Tamdhu). Ils produisent, entre autres, des blends aussi populaires que The Famous Grouse ou bien également Cutty Sark. Ils sont également partenaires de la fameuse et très ancienne maison de négoce Berry Bros & Rudd. Riche en tourbe et en bruyère, élevé à la fois en fûts de bourbon et en fûts de sherry (pour de nombreuses versions d’ailleurs il l’est majoritairement ou totalement), le HIGHLAND PARK est un des single-malts les plus complexes et les plus aboutis d’Ecosse, de l’avis général, mais aussi un des plus abordables question prix : Son 18 ans d’âge est probablement le meilleur 18 ans d’âge disponible actuellement par rapport à ses concurrrents (en tout cas l'ancienne version d'avant le relooking de 2007). Il entre aussi de manière détectable et délectable dans la composition du blend le plus populaire d’Ecosse, The FAMOUS GROUSE, mais aussi d’autres blends comme CUTTY SARK ou LONG JOHN. A noter, le single-malt HIGHLAND PARK est ainsi utilisé pour 50 % de sa production à destination d’assemblage pour des blended-whiskies.
L’île principale, abrite également des sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco, comme de nombreux sites mégalithiques, que ce soient les pierres levées de Maes Have, le cercle de mégalithes dit « Ring of Brodgar » (mis en valeur sur le packaging du HIGHLAND PARK 18 ans jusqu’en 2006), et d’autres encore…
Quelques uns des embouteillages de HIGHLAND PARK de ces dix dernières années (Photo: © Grégoire Sarafian).
Une autre distillerie, un peu plus au Sud de l’île, SCAPA, près de la célèbre baie de Scapa ou « Scapa Flow », dans laquelle au cours de la première guerre mondiale la flotte allemande, acculée, y aborda, puis, prise au piège s’y saborda, non sans laisser nombre d’épaves qui tronent parfois encore à la surface tels des vestiges d’un autre monde.
La distillerie, qui domine cette fameuse baie, fût créée en 1885 par J.T. Townsend, a connu de nombreuses fermetures et mises en sommeil, et sa production fut longtemps réservée aux blends, à destination notamment de ceux produits par BALLANTINE’S, aujourd’hui encore d’ailleurs c’est encore le cas à 95 %. Auparavant disponible en France sous la forme d’un 12 ans d’âge (jusqu’à la fin 2005 environ), léger, boisé,vanillé, légèrement marin, il est disponible aujourd’hui dans très peu de versions officielles, quelques unes éditions limitées âgées (dont un 25 ans d’âge en brut de fût), bien entendu de nombreuses versions de négoce, et donc principalement en version officielle de 14 ans d’âge depuis 2005.
La distillerie SCAPA, souvent méconnue, mais dont le malt alimente avec bonheur nombre de blended-whiskies. (Photo:© Creative Commons).
A peine marin (surtout des notes de caramel au beurré salé), le SCAPA 14 ans est marqué par sa maturation réalisée essentiellement voire uniquement en fûts de Bourbon, lui donnant un boisé particulier, des notes maltées et vanillées, et un caractère onctueux qui en font un apéritif très apprécié. Il évoque parfois même davantage un bourbon léger qu’un scotch. Le plus récent 16 ans d'âge, lui, est assez différent, davantage marqué par les esters, le caramel, et les épices douces. La distillerie appartient depuis 2005 au groupe Pernod-Ricard. A base de malt non tourbé et utilisant une source (fait rare) lointaine d’un kilomètre de la distillerie (l’eau est acheminée à travers une sorte de « pipe-line » et ne provient pas des nombreuses sources avoisinantes, mais du sommet d’une colline baignée d’eau de pluie, et parsemée entre autres de bruyère). Autre particularité, une roue géante de moulin jouxte la distillerie, elle alimentait la distillerie, mais elle n’est plus utilisée de nos jours. A défaut, elle constitue néanmoins un bel élément décoratif.
7/ Les Autres îles, les Hébrides (intérieures) : JURA, ARRAN, MULL et SKYE:
L’île de JURA (Distillerie ISLE OF JURA):
L’ile de JURA, avec ses nombreux cerfs et ses palmiers, son climat tempĂ©rĂ© (grâce au Gulf Stream) et ses fameux pics montagneux jumeaux surnommĂ©s « The Paps of Jura », a tout de la destination touristique rĂŞvĂ©e, elle surprend par sa luxuriance, sa richesse, et …l’anciennetĂ© de la production de ses whiskies. Certaines sources font Ă©tat du caractère prĂ©curseur de la fondation de ses distilleries, peut ĂŞtre mĂŞme dès le XVI ème siècle, voire mĂŞme que ISLE OF JURA serait en rĂ©alitĂ© la plus ancienne distillerie d’Ecosse, de par l’influence qu’aurait eu la visite de moines en provenance d’Irlande et porteurs du secret de la distillation, ce après avoir initiĂ© certains producteurs clandestins de lâ€Ă®le voisine d’Islay. Il est encore difficile de s’en assurer aujourd’hui, les archives manquent…. Au-delĂ de cette hypothèse, il est Ă©tabli que l’unique distillerie actuelle de l’île, ISLE OF JURA, anciennement une distillerie clandestine, mais dont le site de production (Ă dĂ©faut des bâtiments) daterait de 1810, a vu une licence ĂŞtre accordĂ©e Ă William Abercrombie en 1831. Laird Archibald Cambpell (le nom de Fletcher est parfois mentionnĂ© en lieu et place) la dirige ensuite pendant 20 ans. La rĂ©putation du whisky d’alors Ă©tait d’être très tourbĂ©, dans l’esprit de ceux de l’île d’Islay.
Bord de mer sur l'île de Jura (Photo: © Hugh).
Après de nombreux changements et conflits divers, ainsi qu’une longue fermeture de 1914 à 1958, elle est entièrement reconstruite par le célèbre architecte des distilleries William Delmé Evans, grâce aux capitaux de la societé Scottish & Newcastle Breweries. Le nombre de ses alambics est doublé en 1978. La distillerie appartient aujourd’hui (peut être pour peu de temps car un groupe financier indien en aurait pris le contrôle en 2007) au groupe Whyte & MacKay Ltd, et parmi les personnalités hautes en couleur du whisky qui veillent à la qualité de ses whiskies citons le maître-distillateur et assembleur Richard Patterson à la célèbre moustache, et Willie TAIT, un ambassadeur rêvé pour JURA tant ses explications en vidéo des malts de la distillerie sont enjouées et donc communicatives. Par ailleurs, le single-malt ISLE OF JURA entre bien entendu dans la composition des blends nommés eux-mêmes Whyte & MacKay. La caractéristique des single-malts ISLE OF JURA disons des quarante dernières années (si l’on excepte la récente version « Heavily Peated », très tourbée) est d’être plutôt sur des notes modérément tourbées et étroitement mêlées à des notes de miel de bruyère, de torréfaction (voire de café sucré) et de fumée légère, bien sûr en proportions variables suivant les versions, avec parfois des équilibres étonnants et assez populaires (je pense à la version nommée «Superstition »). Son 40 ans d’âge est comme une apothéose, un accomplissement de raffinement et de maîtrise du bois exceptionnelle, pour un single-malt qui vieillit visiblement très bien. La tradition a des beaux jours devant elle…
Enfin, signalons que l’île est avant tout célèbre pour le monde littéraire pour avoir été « le théâtre » de la rédaction d’un célèbre roman d’anticipation du XX ème siècle, « 1984 », écrit en 1948 par George ORWELL. Une île qui inspire aujourd’hui bien plus de sérénité, par exemple dans les jardins de JURA House…Slainthe to you, Richard !
L’île d’ ARRAN (Distillerie ARRAN):
Cette île très fleurie et à la faune abondante (phoques, cerfs, aigles royaux), célèbre notamment par ses rosiers, n’abrite plus aujourd’hui qu’une seule distillerie (au lieu de 50 !) , une des plus récentes d’Ecosse, ARRAN, fondée en 1995 sur le site de Lochranza par Harrold CURRIE, ancien directeur des blends de Chivas Regal, notamment, travaille au sein de sa nouvelle société ISLE OF ARRAN Distillers Ltd. C’est en 1998 que le premier whisky, un trois ans d’âge, est commercialisé sans filtrage à froid ni coloration, un single-malt d’emblée différent également car îlien mais non tourbé et à peine pourvu de notes marines. ARRAN est en réalité plutôt) dominante florale (lavande, violette) et fruité (raisin blanc), épicé et délicatement sucré (amandes). Plutôt précoce, sa version sans précision d’âge, un 5 ans, suivie en 2006 par le premier 10 ans d’âge de la distillerie montre déjà les belles qualités florales de ce malt qui aurait pu très bien naître dans la région du Speyside. La distillerie a présenté son premier 16 ans d'âge en 2013, en plusieurs éditions dont deux limitées, single-cask (Sherry) et brut de fûts de premier ordre.
Mais non il ne fait pas que pleuvoir en Ecosse, la preuve cette photo prise sur l'île d'ARRAN (Photo: © Hugh).
Afin de se faire connaître, au début des années 2000, la distillerie, ne disposant pas encore d’un whisky de l’âge symbolique de 10 ans, et même par la suite, va prendre le parti (contesté) de multiplier les versions alternatives de son 5 ans d’âge, en procédant par affinage systématique et à degré non réduit, en fûts de vins de France, d’Italie et d’ailleurs, de vins doux naturels (comme le Marsala) mais aussi de spiritueux les plus divers (Calvados, Cognac, etc…), mais aussi de Champagne. Se reporter à ce sujet aux comparaisons dans le chapitre des notes de dégustations. La réussite est diverse, et l’initiative fait des émules parmi d’autres distilleries plus âgées, entraînant un effet de mode, loin des premières expériences très contrôlées du pionnier GLENMORANGIE. Il faut noter quelques belles réussites cependant. Cette distillerie, une des rares à demeurer indépendante, est distribuée en France par La Maison du Whisky. Elle produit également de blends comme le Robert BURNS, un hommage au célèbre poète écossais, et entre dans l’élaboration du LOCH RANZA. A noter, le maître-distillateur, Gordon Mitchell, chose rare, est irlandais !
L’île de MULL (Distillerie LEDAIG / TOBERMORY):
C’est une des plus grandes îles de l’Ouest abritant une distillerie, la plus grande après l’île de Skye. Très proche géographiquement du port de de la distillerie d’OBAN, l’île qui possédait plusieurs distilleries au XIX ème siècle (un refrain connu, hélas !) , n’abrite plus désormais qu’une seule distillerie, au nord de l’île, dans le port de Tobermory, qui donne ainsi son nom à certains des whiskies produits ici. Fondée en 1795 par le marchand John Sinclair, elle ne fut au maximum de sa production qu’en 1823 et fut mise en sommeil de 1930 à 1972, ce qui est très long pour une distillerie. Après de multiples péripéties, dont la remise en marche par LEDAIG Distillers Ltd, le nouveau single-malt produit par cette société portera le nom de LEDAIG, et sera plutôt tourbé, marin, ce qui n’empêchera pas la mise ne sommeil de la distillerie quelque années plus tard et jusqu’en 1989. C’est à cette date que le groupe Burns Stewart Distillers rachète la marque, et propose à la fois un single-malt nommé LEDAIG, plus ou moins tourbé, et un autre sous le nom de TOBERMORY, non tourbé, plus sucré (café) et plus doux, entre agrumes et herbes.
Le centre d'accueil de la distillerie TOBERMORY (ou LEDAIG) sur la très pittoresque île de Mull (Photo: Colin Kinnear, sous licence de Creative Commons).
Le 10 ans d’âge est un bon malt d’introduction au whisky, il est facile d’accès. Les LEDAIG eux, peuvent être très tourbés pour certaines versions âgées, plutôt fumés (comme la dernière version en date - produite à partir de 2007), dans un équilibre remarquable entre notes fruitées, fumées et tourbées (voir l’ancien 7 ans d’âge, d’une maturité, précoce), ou extrêmement feutré et fin, à peine tourbé comme le millésime « 1983 », un 20 ans d’âge, d’une bien subtile délicatesse. Certaines de ses bouteilles millésimées « 1974 » sont très recherchés, et sont soit marqués par une tourbe sophistiquée, soit par une atypicité provenant d’un élevage en fûts de sherry (courant notamment chez les indépendants). En définitive, ce qui étonne c’est la fraîcheur indéniable des jeunes versions, qui impressionnent par leur précocité et leur qualité de tourbe, des single-malts qui n’ont rien à envier à leurs concurrents d’Islay.
L’île de SKYE (Distillerie TALISKER, négociant PRABA NA LINNE):
La plus grande île d’Ecosse est aussi celle dont le relief est le plus accidenté, une île coupée en son centre par les Monts Cuillin, avec un passé volcanique et des conditions peu propices à la fabrication et au transport du whisky (non seulement il faut faire venir l’orge, mais il a longtemps été mal aisé de trouver un point d’accostage pour les bateaux chargés de transporter les fûts !). Cette île surnommée « L’île aux brouillards » (nom gaélique de l’île, abritait autrefois une dizaine de distilleries encore au XIX ème siècle, mais une seule à survécu (et même à un incendie en 1960, toute la salle des alambics a d’ailleurs due être reconstruite), à savoir la célèbre TALISKER. C’est la distillerie située la plus au Nord Ouest (on pourrait presque parler d’Hébrides extérieures) de l’Ecosse.
La majestueuse et volcanique île de Skye, qui abrite la distillerie TALISKER... (Photo: © Hugh).
Fondée en 1830 au bord du Loch Harport par Hugh et Kenneth Mac Askill, dans des circonstances peu glorieuses, par expulsion des cultivateurs locaux à bail de leur terme, elle connut beaucoup de difficultés de gestion et de production jusqu’à son acquisition par la D.C.L. (Distillers Company Limited), en 1925, qui deviendra par la suite U.D.V. (United Distillers and Vintners), et plus récemment Diageo, ou il figure en bonne place dans sa gamme « Classic Malts » depuis 1998. Il est intéressant de noter que jusqu’en 1928, ce single-malt était distillé trois fois.
Aujourd’hui la distillerie possède un système de refroidissement et d’alambics de forme spéciale qui lui permet de pratiquer en quelque sorte une « double-première distillation » qui, selon elle, explique cette si grande finesse. Le 10 ans d’âge, très répandu, est le fleuron épicé et fruité (à peine tourbé et fumé) des « Classic Malts », et un des rares single-malts disponibles en grande surface qui titre à 45,8 % d’alcool. Ses versions plus âgées, maintes fois primées, que ce soit le 18 ans réduit, les brut de fût de 20, 25 ans et plus, sont très prisées des connaisseurs, pour leur fraîcheur, leur fruité et une certaine minéralité qui, toutes proportions gardées évoquent pour moi de grands vins d’Alsace…Certaines versions de négoce (ADELPHI, DOUGLAS LAING, SMWS, etc...) peuvent être réellement splendides...
L'île abrite également une maison de négoce, PRABA NA LINNE, qui commercialise des assemblages (surtout des blended-whiskies, mais aussi des blended-malts) comportant un certain pourcentage de distillat provenant de chez TALISKER, sous des noms exclusivement gaéliques: Les plus célèbres car distribués en France (même si uniquement via le réseau de cavistes opérant avec leur importateur/distributeur La Maison Dugas) sont les blends TE BHEAG (prononcer: "TCHE VEG") et MACNAMARA, et les blended-malts ISLE OF SKYE (légèrement tourbé) et POIT DHUBH (prononcez "POCH DU").
8 / « AVANT / APRES » , en bref….
ou un mot sur les anciennes distilleries d’Ecosse du XX ème siècle fermées avant 1975, notamment sur les autres îles privées de distilleries aujourd’hui, et sur les perspectives de création de distilleries, et distilleries très récentes :
-« AVANT » :
Autres Iles ayant abrité des distilleries :
L’île de BUTE (à proximité d’ARRAN)
L’île de TIREE (à l’Ouest de l’île de MULL)
Presqu’île de CAMPBELTOWN:
La salle des alambics de l'ancienne distillerie HAZELBURN (1825-1925) telle que décrite par une gravure, entre autres médiums, dans le célèbre ouvrage d'Alfred BARNARD (voir ci-dessous). Aujourd'hui c'est la distillerie SPRINGBANK qui fait revivre le nom de la distillerie.
Voilà ci-dessous quelques unes des 37 distilleries de cette région ayant fermé avant 1930, recensées entre autres par le grand écrivain spécialiste du whisky au XIX ème siècle Alfred BARNARD, dans son célèbre ouvrage de référence (encore réédité de nos jours !) "The Whisky Distilleries of the United-Kingdom" (1887) sachant que ce ce nombre a été plus élévé auparavant. Merci également à Richard PATERSON qui a travaillé dans sa jeunesse à Campbeltown et traite du sujet dans son dernier livre « Goodness Nose » (2008). Je ne mentionnerais ici pour des raisons de place que celles qui subsistent encore ou ont fermé après 1900, sauf exception utile :
-ALBYN (1830-1927)
-ARDLUSSA (1879-1923)
-BENMORE (1868-1927)
-CAMPBELTOWN (1815-1924)
-DALINTOBER (1832-1925)
-GLENGYLE (1873-1925 / N’existe plus, mais a été reconstruite à partir de l’année 2000, est active et les premiers single-malts **sont disponibles depuis 2009 sous le nom de "KILKERRAN").
-GLEN NEVIS (1877-1923)
-GLEN SCOTIA (1832- toujours active)
-GLENSIDE (1830-1926)
-HAZELBURN (1825-1925 / N’existe plus mais « revit » comme autre single-malt de la distillerie SPRINGBANK, celui-ci distillé trois fois et non tourbé)
-KILKERRAN (1872-1925 / N’existe plus, mais « revit » comme nouveau single-malt de la nouvelle distillerie GLENGYLE **)
-KINLOCH (1823-1926)
-LOCHEAD ou LOCHEAD (1824-1928)
-LOCHRUAN (1835-1925)
-LONGROW (1824-1896 / N’existe plus mais « revit » comme autre single-malt de la distillerie SPRINGBANK, celui-ci distillé deux fois et tourbé)
-RIECLACHAN (1825-1934)
-SPRINGBANK (1828- toujours active)
-SPRINGSIDE (1830-1926)
-« APRES, voire très bientôt »:
Ile d’ISLAY :
-La Distillerie GARTBRECK du serait en projet sur l'ïle, via le distillateur français Jean Donnay (de GLANN AR MOR en Bretagne), non loin de la distillerie BOWMORE, près d'un lieu nommé Gartbreck Farm. A confirmer ! Cela en ferait théoriquement la 9 ème distillerie de l'île (si l'on compte PORT CHARLOTTE à part de BRUICHLADDICH).
Iles SHETLANDS :
-La distillerie BLACKWOOD est située à Catfirth, sur le site d’une ancienne base aérienne de la Royal Air Force, au sud de l’île principale. A 60 degrés de latitude nord, elle est désormais la plus septentrionale d’Ecosse, détronant la « tenante du titre » jusqu’ici, à savoir HIGHLAND PARK, sur les îles Orcades. Les conditions climatiques (qui profitent d’un mini-effet Gulfstream) ont convaincu les propriétaires de choisir ce lieu, sans compter par ailleurs l’apport d’une source d’eau naturelle d’une grande pureté à proximité, et de tourbe locale datant de l’âge de bronze, à en croire le site internet de la distillerie. Néanmoins, le maltage et l’origine de l’orge seront « continentales » (traduire proviendront de l’île principale, vers Glasgow). Une petite partie de l’orge sera locale, dénommée « Bere Barley », c'est-à -dire d’une variété d’orge très ancienne, introduite par les Vikings dans le Nord de l’Ecosse. La destination de la distillerie est de produire des single-malts « classique »( vieillis dans des fûts de Bourbon), comme des finitions (Sherry, Madère, Porto, etc…), mais aussi de proposer des versions tourbées, dit on modérément. Elle devait opérationnelle depuis fin 2006, mais pour raisons financières, sa mise en production est retardée en 2009. Le projet est fortement compromis.
Ile de SKYE :
-La distillerie LADYBANK a été créée en 2006 par les membres d’un club privé, dans le comté de Fife, à mi-chemin entre St ANDREWS (célèbre pour son golf) et la capitale EDINBURGH, dans la région même ou l’on a établi la première vente d’orge (« a frère Corr, Huit balles de malt pour faire de l’uisge beatha ») destinée à la production de whisky, en 1494. Elle annonce sur son site internet le caractère qu’elle souhaite le plus limité en quantité et confidentiel de sa production de whisky, qui équivaudra à la production d’environ maximum 200 fûts par an. Il y a encore pas mal d’incertitudes quant à la pérennité de ce projet.
Ile de LEWIS :
Un projet semble bel et bien en passe d’être réalisé sur cette île, à Carnish (c’est l’île la plus au nord ouest de l’Ecosse, et une des plus grandes). La distillerie ABHAINN DEARG (« Rivière rouge », en gaélique) est donc opérationnelle depuis 2008, avec une capacité de près de 20000 litres. Le premier single-malt, nommé « The Spirit of Lewis » a déja été commercialisé en 2011. D'autres mises en bouteille ont suivi depuis, et les premières bouteilles du "new spirit" se vendent déjà à prix élevé.
Aperçu des chais de la nouvelle distillerie ABHAINN DEARG, sur l'île de LEWIS (Photo: © Abhainn Dearg distillery).
Ile de BARRA :
Un projet mené par Peter Brown, en hommage à l’échouage du navire le S.S. Politician en 1941 (le film « Whisky Galore » ayant été tourné sur une île non loin de là ), est normalement en train d’être réalisé à l’heure ou ces lignes sont écrites, avec en prévision une production qui débuterait en 2011 et les premières ventes de single-malts en 2014. Il semble que les premiers fûts se sont déjà vendus à près de 1000 livres chacun à des amateurs du monde entier,
Région de CAMPBELTOWN :
-La distillerie GLENGYLE est gérée (depuis les premières étapes du projet en 2000, jusqu’à sa concrétisation en 2004 au début de la production) par la famille J & A MITCHELL, également propriétaire de la distillerie voisine SPRINGBANK. Reconstruite à partir d’éléments provenant notamment de l’ancienne distillerie BEN WYVIS (pour ses alambics).Les premiers single-malts, du nom de KILKERRAN, une ancienne distillerie (1872-1925) étaient initialement prévus pour le printemps 2007, mais il semble qu’il y ait eu soit un retard, soit qu’apparemment la distillerie souhaite plutôt attendre pour produire un 10 ans d’âge (peut être prêt pour l’année 2010 ? ). Des pré-ventes en ligne de plus de 700 bouteilles, non filtrées à froid et titrant 46 % , vieillis dans différents types de fûts sont annoncées sur le site internet de la distillerie. Attention, il ne faut pas confondre avec le vatted-malt GLENGYLE (le nom n’était pas disponible pour créer un nouveau single-malt).
Région des HIGHLANDS / SPEYSIDE :
- Une nouvelle distillerie du groupe MH-DIAGEO est née, elle se nomme ROSEISLE et est située près de la ville d’Elgin, dans le Speyside, à Roseisle, précisément.Sa production sera essentiellement destinée aux nouveaux pays émergents que sont la Chine, La Russie, l’Inde ou le Brésil. Ces pays sont de nouveaux pays importateurs de whisky, en quelque sorte, car la demande est autrement plus importante qu’auparavant (jusqu’à 85 % d’augmentation pour les deux pays les plus demandeurs, la Chine et l’Inde). La distillerie, qui produit depuis 2009, utilisera les malteries locales déjà existantes, polluera moins que les anciennes distilleries, et dispose de 14 alambics, pour production prévue de 10 millions de litres, aussi importante que celle de Glenfiddich…
- Une nouvelle distillerie doit naître à l’initiative du négociant DUNCAN TAYLOR, vers Huntly, un projet lancé en 2007, mais pas elle n’est pas encore construite, et ne possède pas encore de nom. La tendance des négociants à racheter ou se faire construire une distillerie, pour limiter les sources d’approvisionnement des whiskies au maximum, risque d’augmenter à l’avenir, étant donné la crise générale, y compris celle concernant les céréales. Il semble aux dernières nouvelles que ce projet soit retardé (à suivre).
A noter : Bien qu’il ne s’agisse pas d’une nouvelle distillerie, KININVIE (existant depuis 1990), distillerie de la ville de Dufftown, qui appartient à William Grant & sons, et alimente ses blended whiskies (ainsi que le blended malt « Monkey Shoulder »), a accepté de commercialiser de manière limitée et « protégée » (le single-malt est coupé avec une faible proportion de The Balvenie), en lançant en 2006 un whisky nommé « HAZELWOOD Reserve », en 15 ans d’âge, puis un 17 ans d’âge en 2008.
Région des LOWLANDS :
- La micro-distillerie DAFTMILL, appartenant à la famille Cuthbert, a déjà commencé à produire : Située à Cupar, dans le comté de Fife, elle a obtenu sa licence dès 2003, mais bien entendu doit attendre la période réglementaire des 3 ans de maturation pour proposer ses whiskies à la vente en tant que tels. Elle annonce d’ores et déjà que l’orge utilisée sera locale, et qu’il en va de même pour l’approvisionnement en eau (source Daftmill Spring), située près de la ferme DAFTMILL, qui reste une exploitation agricole. D’une capacité de 65000 litres, elle avait la possibilité de rendre disponible une première mise en bouteille en 2009, mais préfère attendre encore.
- Le groupe William Grant & sons, lui, a fondé en 2007 la distillerie d’AILSA BAY, près de Girvan, sur la côté ouest. La localisation choisie, près des distilleries de grain d’Ecosse, donne une idée de sa destination principale, alimenter la production de blended whiskies, et ce à grande échelle. La production est prévue pour atteindre les 6 millions de litres. Trois types de single-malts doivent y être produits, un léger, un plus lourd et une version tourbée.
-Une autre nouvelle distillerie, KINGSBARNS (de la Kingsbarns Company of Distillers Ltd), est en construction dans une ancienne exploitation agricole située près de St Andrews, dans le comté de Fife, elle devrait être opérationnelle en 2011 et produira 90 000 litres. C’est un groupe d’hommes d’affaires mené par Doug Clement & Greg Ramsay qui dirige ce projet, avec l’assistance de Bill Lark, directeur de la Lark Distillery en Tasmanie en Australie, comme consultant. Le site est la propriété de la famille de Sir Peter Erskine, autre membre du projet, depuis 1688. Les deux alambics sont fabriqués en Australie, et le style de whisky recherché est celui des Lowlands, mais le mode de maturation utilisera pleinement les fûts de type Quarter Cask (comme ceux de la Lark Distillery pour obtenir un single-malt qui serait près à 5 ans d’âge. Depuis 2013 nous savons que le négociant écossais Wemyss va enfin permettre ce projet de se réaliser.