Graham COULL
Directeur et Maître-assembleur de la distillerie Glen Moray
(Glen Moray Manager & Master-distiller)
Graham Coull & his wife, Salon Dugas, Paris, 2014
Mots clés :
Discret
Professionnel Généreux
Pittoresque
Intuitif Doué
Je connais peu Graham COULL. Mais le peu que je connais de lui et surtout de son travail au sein de l’équipe dirigeante de la distillerie écossaise Glen Moray me suffit pour oser décréter qu’il a « de l’or dans les mains ». Ce qui l’a d’abord frappé quand j’ai rencontré Graham, dans un salon, en 2007, c’est le contraste entre sa carrure de Highlander (il aurait pu tout aussi bien être pilier dans une équipe de Rugby ou concourir au lancer de troncs d’arbres au cours des « Highlands games ») et sa gentillesse bonhomme, toute en simplicité et en générosité typiquement écossaise. La première dégustation n’en fût que plus mémorable.
De la gentillesse et du courage aussi. Du courage, en effet, il en fallait pour renouveler toute la gamme des single-malts de cette distillerie qui était un peu le parent pauvre au sein du groupe Glenmorangie Plc (famille McDonald & Muir) il y a encore quelques années, éclipsée par le succès des deux autres prestigieuses distilleries du groupe, Glenmorangie d’un côté (longtemps le malt le plus populaire en Ecosse) et Ardbeg le « monstre de tourbe » de l’autre, avec le marketing très « volontariste » et branché (dirons nous) qui l’accompagne. Les anciennes mises en bouteille de Glen Moray, en effet, des maturations ou finitions en fûts de « Chenin Blanc » et autres « Chardonnay » ou « Mellowed in Wine barrels » ne faisaient pas l’unanimité, bien qu’étant prisées par certains collectionneurs. Personnellement, je les souvent trouvées trop vineuses, et masquant quelques peu le caractère de la distillerie.
Graham COULL a remis de l’ordre dans tout ça, sans pour autant refuser tout affinage, mais en refondant totalement la gamme à partir de fûts de Bourbon de qualité d’une part, et en sélectionnant d’anciens fûts de sherry de premier ordre pour des éditions limitées souvent de haute volée. Et ce fut fait : Lorsqu’il reprend les rênes en 1995, il sonne le temps des changements, un vrai retour aux sources du malt écossais, notamment par l’édition limitée d’un 12 ans d’âge élevé en fûts de sherry (« Single-Sherry Cask ») et mis en bouteille brut de fût sous le millésime « 1995 » (voir notes de dégustation par distillerie), uniquement en vente à la distillerie.
J’ai dégusté toute la nouvelle gamme en 2007, et les bras m’en sont tombés. Quel contraste avec les mises en bouteille d’avant l’arrivée de Graham COULL, quelle différence de qualité ! C’est désormais magnifique, limpide, pur. Le 12 ans d’âge mis en bouteille à cette époque, par exemple est devenu extrêmement fin et délicat (à l’exception de certaines mises plus récentes du 12 et du 16 ans, dans lesquels hélas le caramel ajouté revient jouer les trouble-fêtes), tandis que le 16 ans est celui de la maturité et de la gourmandise, montrant un bel équilibre. Le 20 ans d’âge millésimé « 1984 » est lui une belle surprise miellée (acacia) citronnée et herbacée, offrant une alternative intéressante aux versions plus jeunes, quant aux éditions limitées que j’ai pu déguster, elles sont souvent stupéfiantes de maîtrise et d’élégance. Hormis le 12 ans d’âge brut de fût évoqué plus haut, il y a aussi l’expérimental « Mountain Oak Malt » qui assemble un petit nombre de fûts (« small batch ») travaillés différemment en ce qui concerne leur brûlage (« charring » ou « tosting ») pour obtenir un malt au boisé particulièrement prononcé, proche d’un Bourbon, mais loin des excès de la mode du bois neuf en cours actuellement.
Par ailleurs, un des plus beaux whiskies dégustés ces dernières années fut un échantillon hors commerce et au degré naturel issu d’un assemblage de fûts de Bourbon & de Sherry de 37 ans d’âge (millésime « 1971 »- sample 2008), un single-malt d’une grande profondeur sur le fruité et le malt à la fois, avec de sublimes notes boisées et une longueur en bouche inespérée.
Clairement, à ce moment là , en 2008, je me suis fait la réflexion que la distillerie devait être nommée « distillerie de l’année » pour encourager ce saut qualitatif important, et Graham COULL le maître-distillateur de l’année. En effet, l’intelligence et le soin apporté à l’élevage et à la sélection des fûts est alors inouï, se rapprochant ce faisant d’une conception japonisant du whisky (ou authentiquement écossais, à l’ancienne).
2008 sera aussi, hélas, l’année de la décision de la société Glenmorangie Plc, désormais sous le contrôle de Moët-Hennessy allié au groupe Diageo, de se défaire de la distillerie Glen Moray qui sera alors rachetée par la société française La Martiniquaise, essentiellement pour alimenter ses blended-whiskies et ses assemblages de malts pour les grandes surfaces (dont le « Glen Turner »). La Martiniquaise qui fabrique le …….« Label 5 ». L’intérêt de cette société pour le whisky de grande consommation peut susciter chez l’amateur de malts de qualité une certaine inquiétude, ou tout du moins une certaine interrogation sur le devenir de cette magnifique distillerie qu’est Glen Moray. Va-t-on pouvoir avoir accès à des mises en bouteille de qualité ou celles-ci ne verront jamais le jour car non prioritaires au regard de la cible marketing visée par la maison propriétaire ? Aura-t-on autre chose qu’un 12 ou 16 ans d’âge à se « mettre sous la dent » dans le futur ? Cette question peut certes se poser pour d’autres distilleries (..).
En tout cas ces interrogations constituent une autre raison de soutenir le travail de Graham COULL dans cette distillerie, ne serait ce qu’en témoignage de reconnaissance des efforts accomplis pour élever ce malt au plus haut niveau possible…
Oui, Graham COULL doit continuer à nous enchanter de ses sélections de fûts inspirées au possible, nous ravir de ses assemblages ingénieux et porter son art vers de plus hauts sommets encore. Alors un seul mot pour conclure ce portrait…Qu’on le laisse travailler ! Et nous, nous nous délecterons encore et encore…