Soirée Dégustation de COGNACS Domaines Abécassis
Un article consacré, une fois n'est pas coutume, au COGNAC, et en particulier à une Soirée privée de Dégustation de COGNACS des Domaines Francis Abécassis, soirée qui s'est tenue à la Brasserie Flottes à Paris, le 04/12/2013:
AVANT-PROPOS:
Oui, il s’agit de Cognac, pas de whisky ! Du vin distillé, pas de la céréale. Les points communs cependant ? Le type d’alambics, à peu de choses près, et la maturation en fûts de chêne. Dans un des onglets du site (menu haut) nommé « En marge », à la rubrique du site nommée « Autres Spiritueux », j’ai exprimé dès le départ mon souhait de traiter, de temps à autre, de « spiritueux susceptibles d’intéresser les amateurs de whisky », principalement des alcools vieillis en fûts. Je considère toujours aujourd'hui qu’au-delà des différences (évidentes ou non) entre ces spiritueux, ce choix est toujours pertinent, et que les amateurs de whiskies, en tout cas les plus ouverts, pourraient trouver leur compte dans cette découverte.
LA SOIREE :
L’équipe de la maison ABECASSIS (désormais menée par Elodie, la fille de Francis Abécassis, le fondateur de cette société) présentait 5 produits, dont 4 Cognacs et 1 Vodka produite également par eux. L’invitation dépassait le cadre des membres du club et l’attention portée aux questions tant de la part des néophytes que des connaisseurs étaient appréciables, de même que la transparence sur les méthodes d’élaboration des Cognacs de la maison. Quelques amuse-gueule étaient proposés, ainsi que la possibilité de dîner ensuite sur place. Le livret de dégustation offert était bien intéressant, truffé d'informations et pratique pour la prise de notes.
LA DEGUSTATION :
En marge ou plutôt en préambule de la dégustation, il nous a été proposé de déguster, en cocktail (mais on pouvait aussi le déguster sec) une VODKA BIO nommée « EQUISSOLIS », cuvée millésimée 2012, vodka élaborée à base de blé d’hiver, distillé 5 fois (système des plateaux), et réduite à 40 %. Je l’ai trouvée d’une grande finesse et d’une belle minéralité, bien qu’assez légère. L’excellent cocktail (très fruité, très rafraîchissant) qui l’a mettait en valeur comprenait, entre autres ingrédients, du jus de cranberries et du triple-sec.
Les COGNACS:
1/ COGNAC ABK6, « VSOP », dit « GRAND CRU », 40 % :
Couleur : Ambre clair Ă reflets vieil or.
Nez : Séducteur. Vanille, orange, boisé, pommes au four, épices douces.
Bouche : Equilibrée et fine, relativement courte cependant (là je regrette le titrage à 40 %, car quelques degrés de plus l’auraient mieux mis en valeur). Belles notes très fines sur l’orange et les fruits confits, puis la vanille.
Conclusion : Belle entrée en matière, déjà expressive, malgré le titrage traditionnel à 40 %, car quelques degrés de plus l’auraient mieux mis en valeur. Ceci dit la réduction à 40 % fonctionne bien, ici comme dans d’autres versions. En comparaison (toujours difficile) avec un whisky, je dirais qu’il faut imaginer un Speyside apéritif tel un jeune TAMDHU (le nouveau 10 ans) ou le CARDHU Special Cask Reserve.
Estimation de Note chiffrée: 17,5/20 ou 87,5/100
2/ COGNAC ABK6, « XO », dit « FAMILY RESERVE », 40 % (âge estimé à 30/35 ans environ):
Couleur : Ambrée, à reflets vieil or.
Nez : Un peu alcooleux au premier nez, puis notes de solvant (typiques de nombre de Cognacs artisanaux), puis ce sont les épices qui s’expriment, avant de finalement laisser parler un peu le fruit. Intriguant !
Bouche : Da manière surprenante, plus équilibrée que le nez et très gourmande. Généreusement fruitée (orange en sorbet, pêche jaune juteuse avec sa peau, et soupçon de bourgeon de cassis, mais aussi raisins secs et fruits confits variés), elle fait preuve d’une belle complexité et profondeur, dispensant également des notes florales capiteuses (de lys, entre autres), des notes de cuir, une pointe de réglisse, de la vanille, et un beau boisé.
Conclusion : Superbe et très charmeur, mais aussi très direct et exubérant sur le fruit, ce Cognac possède certains marqueurs aromatiques susceptibles de beaucoup plaire aux amateurs de blended-whiskeys irlandais, et de Pure Pot Still (ou Single Pot Still) en particulier. L’on n’est pas très loin du POWER’S 12 ans.
Estimation de Note chiffrée: 18,25/20 à davantage ou 91-93/100
3/ COGNAC LEYRAT, « XO », dit « VIEILLE RESERVE », 40 % (âge estimé à 25 ans environ):
Couleur : Ambrée, à reflets vieil or.
Nez : Sexy, féminin (ce qui n’est jamais péjoratif pour moi). L’attaque est d’abord boisée, à peine végétale (thé à la Bergamote), vanillée, puis aérienne, sur les fleurs et les fruits, l’orange (en sorbet) en tête. Une invitation.
Bouche : Somptueuse, complexe et équilibrée, elle est d’une grande finesse. Florale (fleurs capiteuses, dont du lys et peut être du jasmin ?), fruitée (orange en sorbet, pêche jaune en milkshake, pointe de fruits rouges), elle est aussi finement boisée et légèrement vanillée, de belle longueur et en decrescendo sur toutes ces notes, avec une discrète sécheresse. Elle laisse rêveur.
Conclusion : Splendide d’équilibre, avec un caractère à la fois aérien et sec, cette version d’un charme fou est d’une élégance rare qui n’a rien à envier à de grands whiskies, et même si le registre aromatique n’est pas le même, je retrouve un peu de ce style chez le single-malt HIGHLAND PARK officiel 21 ans d’âge…la version à 47,5 %.
Estimation de Note chiffrée: 18,5/20 voire davantage ou 93-94/100
4/ COGNAC REVISEUR, « XO », 40 % (âge estimé à 25 ans environ):
Couleur : Ambrée, à reflets vieil or un peu plus éclatants.
Nez : L'on sent qu’on est dans un autre domaine, ou les marqueurs sont un peu différents, tout en gardant un « tronc commun » si j’ose dire. L’attaque est d’abord vive, un peu alcooleuse sinon entêtante, sur les épices, le boisé et ses tannins, le solvant (pas loin de l’essence de térébenthine, voire l'huile de lin), les fruits étant relégués à l’arrière-plan, au nez en tout cas. Moins plaisant, mais typé et authentique, « brut de décoffrage » en quelque sorte.
Bouche : Fort heureusement, les durs esters du nez et l’apparence alcooleuse s’estompent en grande partie en bouche, au profit du fruit, un peu plus ténu certes que dans les versions précédentes de cette dégustation, mais aussi et de manière claire sur les épices et le bois intense, avec un caractère tannique bien présent, mais assez maîtrisé. La vanille, les fruits parviennent à se frayer un chemin, mais différemment des Cognacs précédents. Je pense que la durée un peu plus importante que la version précédente d'élevage en fûts neufs n’y est pas pour rien. Elle a tendance à rendre le profil aromatique un peu plus rigide à mon avis.
Conclusion : Je trouve un peu moins d’équilibre personnellement dans celui-ci, mais son profil général différent est à considérer comme tel (différent) et nul doute qu’il s’agit d’un Cognac de qualité, par contre il est moins à goût, tant je suis friand de l’exubérance ou de l’élégance fruitée des précédents. L’on retrouve ce genre de profil très typé chez d’autres producteurs de Cognac, mais plutôt parmi ceux qui ont une approche artisanale (de non-lissage systématique de leur production par les additifs, par exemple). Du côté de la comparaison éventuelle avec un whisky, je pense là plutôt à certains single-grains de négoce (comme un PORT DUNDAS d'environ 30 ans de chez Duncan Taylor par exemple).
Estimation de Note chiffrée: 17,75/20 voire davantage ou 90-91,5/100
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QUELQUES DONNEES SUR LES COGNACS DES DOMAINES ABECASSIS:
L’ELABORATION :
La part dévolue au vin dans le Cognac est importante et à ne pas négliger. Le raisin destiné au Cognac (ici de variété Ugni blanc) est vendangé assez tôt, bien plus que pour faire du vin, ceci afin de conserver suffisamment d’acidité. Tout le processus de récolte est automatisé. La première distillation du vin donne ce qu’on appelle le brouillis, qui titre entre 28 et 32 % d’alcool par volume (A.B.V.), ensuite a lieu la deuxième distillation qui donne l’Eau-de-Vie de Cognac à environ 70 % A.B.V.. Un peu comme pour le whisky, il y a coupe (« cut » en anglais) et l’on ne garde que le cœur de chauffe lors de la première distillation, donc les têtes et les queues de distillation sont éliminées au lieu d’être redistillés ensuite. La période de distillation a lieu entre novembre et fin mars. Chaque domaine est un terroir différent, d’où les noms différents des trois gammes (« ABK6 », « LEYRAT », « REVISEUR »), mais l’accueil du public et le siège social sont au Domaine Maillard, ou est l’on élabore le Cognac « LEYRAT ».
LA MATURATION :
La maturation met en œuvre des fûts de chêne du Limousin de 350 litres, et joue sur une combinaison entre fûts neufs (plus ou moins toastés) et fûts réutilisés (« de remplissage » ou « refill »-ce dernier terme est utilisé pour le whisky). La marque LEYRAT utilise des fûts neufs, mais sur une durée assez limitée, tandis que la marque Réviseur en utilise sur une plus longue durée. La plus ancienne eau de vie présente dans les chais de la maison date de 1918. Par ailleurs, la réduction est exécutée de manière très lente, et peut avoir lieu également avant la maturation (l’alcool est réduit à 68 % avant la mise en fûts). Cette question de la réduction est très importante, (pour le whisky également-car hélas elle est trop souvent précipitée...) car elle est garante de qualité et doit effectivement être faite le plus lentement possible pour ne pas briser l'équilibre du Cognac. C'est donc, en ce sens, une information très positive sur le travail de cette maison à mon sens.
L’âge minimum pour un Cognac est légalement de deux ans. La version VS du Cognac maison (ici, l’ABK6) est âgée de 2 ans, le VSOP de 4 ans minimum, le XO de 6 ans minimum, l’ « EXTRA » encore davantage. Concrètement le compte d’âge, qui ne peut être indiqué sur la bouteille, peut être plus élevé, le XO des marques LEYRAT & REVISEUR étant par exemple annoncé comme ayant environ 25 ans d’âge. ABECASSIS commercialise également en collaboration avec La Maison du Whisky une version small batch (petit lot) réduite à 42 % du Cognac LEYRAT nommée « Assemblage N°1 », un des rares Cognacs non filtrés à froid. Pour la question de la quantité de fûts mis en œuvre pour une cuvée, la réponse est d’environ 10000 litres, soit habituellement environ 30 fûts. Par ailleurs, sur les domaines Abécassis, "21 chais abritent quelques 3000 barriques et 100 tonneaux, tous en chêne du Limousin" indique le livret de dégustation fourni.
Concernant la question des additifs utilisés (rappelons que ceux autorisés dans le Cognac sont le caramel ajouté, le « saccharose brut » et l’« essence de boisé »-en réalité une infusion aqueuse de bois de chêne, nous précise le maître de chais Christian Guérin), la réponse de la maison ABECASSIS a été qu’ils sont très peu utilisés, et la plupart du temps uniquement sur des Cognacs jeunes, pas dans les versions XO et « Extra ». J’ajouterais personnellement que pour ce que j’ai pu en constater, je n’en décèle pas de trace dans les versions citées, et s’il y en a dans les versions plus jeunes, il ne semble pas y avoir d’abus car la qualité est au rendez-vous dès l’entrée de gamme.
Pour en savoir plus, le site officiel des Domaines Abécassis :
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CONCLUSION :
Cette approche qui tend vers l’artisanal et de « laisser parler les fûts », tout en permettant aussi au maître de chais et assembleur (Christian Guérin) d’exprimer son talent et sa connaissance pour obtenir tant gourmandise, complexité, finesse qu’authenticité et harmonie, mais aussi l’humilité et le soin apporté à expliquer le travail de la maison sont les données qui m’ont séduit et donné l’envie de vous en parler ici.
Grégoire Sarafian, le 14/12/2013
Photos, compléments d'informations et autres visuels: Domaines Abécassis © sauf autorisations (comme ici...-merci à eux!)