Editorial No 5

 

Editorial No 5 (Mars 2014) : « Less is more ? (pas sĂ»r !) Â»

 

 

« Less is more Â» (moins, c'est plus), la cĂ©lèbre devise du courant du Minimal Art contemporain (nĂ© aux U.S.A. en 1965) peut-elle s’appliquer Ă  la situation du whisky aujourd’hui ? Peut-ĂŞtre, en apparence du moins, car je pense qu'hĂ©las il n'en est rien. Aussi, il m’a semblĂ© intĂ©ressant de mettre en perspective plusieurs aspects (certains n’étant parfois que peu traitĂ©s) du problème en une tentative de synthèse « Ă  plusieurs Ă©tages Â».

 

1/ MOINS D’AGE ET PLUS DE TECHNOLOGIE :

D’un cĂ´tĂ© en effet, Ă  force d’avoir moins de stock de whisky de 10 ans d’âge ou plus pour fournir la demande non seulement en Europe, mais bien entendu dans les pays dits « B.R.I.C.S. Â» (soit le BrĂ©sil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud) ou « nouveaux pays Ă©mergents Â» qui commandent beaucoup de whisky Ă©cossais, les principaux pays producteurs, et l’Ecosse en particulier semblent avoir pris le parti d’accepter cette rarĂ©faction de l’offre pour leur marchĂ© intĂ©rieur, mais de pallier celle-ci par deux subterfuges, l’abandon du compte d’âge pour une grosse partie de leurs rĂ©fĂ©rences de whiskies, ET la production de whiskies dits « technologiques Â» car travaillant le bois de manière Ă  influencer profondĂ©ment le contenu du fĂ»t et l’orienter vers un certain type de notes aromatiques (vanille, Ă©pices, boisĂ© intense) censĂ©es ĂŞtre plus consensuelles et, Ă  mon avis, cherchant surtout Ă  couvrir le spectre tant des whiskies que des rhums d’aujourd’hui. L’abandon du compte d’âge (partiel ou total, suivant les marques) s’est Ă©galement gĂ©nĂ©ralisĂ© au Japon tant chez SUNTORY que chez NIKKA, plus seulement pour les single-malts jeunes dits « Non age Â», avec la sortie l’an dernier du NIKKA « Taketsuru Â» sans compte d’âge (y compris en version limitĂ©e « Sherry Wood finish Â»), puis des versions 70 cl des « Coffey Grain Â» et « Coffey Malt Â». Il y a fort Ă  parier que le « Hibiki Â» de SUNTORY, qui Ă©tait initialement sans compte d’âge, le redevienne un jour.

 

nikka_taketsuru_sherry_wood_f_43

NIKKA « Taketsuru Â» (Sherry Wood Finish), 43 %, ou les notions de finish n’ont que peu de sens sans mention de l’âge principal de maturation..ce sans prĂ©juger ici de la qualitĂ© (pas encore dĂ©gustĂ© cette version) -Il s'agit d'un Blended-Malt (Photo © GrĂ©goire Sarafian)

 

2/ MOINS D’AUTHENTICITE ET PLUS DE CLIENTELISME :

Et je ne parle mĂŞme pas de la rĂ©cente mode des whiskies aromatisĂ©s, emboĂ®tant le pas des liqueurs de whiskies (qui elles existent depuis longtemps), des rhums ou bourbons aromatisĂ©s au miel (« honeyed Â») ou aux Ă©pices (« spiced Â»), entre autres spiritueux suivant le mĂŞme traitement. Les Bourbons, notamment, sont en tĂŞte de cette tendance (comme les Jim BEAM « Honeyed Â», les Jim BEAM/RED STAG, WILD TURKEY version « Spiced Â», ou encore le canadien WISER’S…mais aussi plus rĂ©cemment JACK DANIEL'S, J & B, BALLANTINE'S, etc...la liste commence Ă  ĂŞtre longue).

Cette « parkerisation Â» du whisky (si je puis dire), on en parle ici ou lĂ  depuis un moment, mais il me semble qu’elle franchit un nouveau pallier depuis qu’elle est conjuguĂ©e avec l’abandon du compte d’âge (ce que l’Irlande pratique depuis belle lurette !) pour des marques aussi rĂ©putĂ©es (et productrices de whisky en quantitĂ©s importantes par ailleurs) que MACALLAN, ARDBEG, GLENMORANGIE, puis plus rĂ©cemment GLENLIVET, GLENFIDDICH, ou encore TULLIBARDINE. En effet, elle tend Ă  standardiser la production des entrĂ©es de gamme, d’une part, vers un goĂ»t boisĂ© et Ă©picĂ© (principalement) issu du brĂ»lage intense des fĂ»ts (pratique existante depuis un moment mais utilisĂ©e avec prĂ©caution et divers degrĂ©s de brĂ»lage, et ce pour certaines versions, peu en gĂ©nĂ©ral) mais aussi (et c’est la tendance des 5 dernières annĂ©es environ) de l’utilisation plus systĂ©matique de fĂ»ts neufs nommĂ©s pudiquement « Virgin Oak Â» ou « New Oak Â», ce qui Ă©tait interdit il y a encore 10 ans, pour le whisky Ă©cossais du moins.

Cette pratique, initiĂ©e me semble t’il d’abord avec le vin, puis avec le Cognac et le Rhum, est arrivĂ©e petit Ă  petit dans l’univers du whisky jusqu’à s’ériger en une nouvelle religion…dont un des prĂŞtres fut en son temps (en 2005, dĂ©jĂ  !) John Glaser de COMPASS BOX. Ce dernier en effet, utilisa pour une version seulement (« The Spice Tree Â») des plaquettes de bois collĂ©es aux douelles des fĂ»ts pour renforcer le caractère Ă©picĂ© et boisĂ© de son assemblage de whisky, ce qui n'est pas autorisĂ©. La S.W.A. (association de producteurs Ă©cossais qui dĂ©finit les normes du whisky, les appellations aussi) fit pression d’ailleurs pour interdire ce whisky, qui prit une forme nouvelle plus tard, avec la seconde version produite en 2009, puis ensuite avec les expĂ©rimentations de la suite des « Canto Casks Â» (2007), de l’ Â« Oak Cross Â» (2006) et ainsi de suite, mais cette fois avec des techniques moins directes donc moins brutales pour le distillat.

 

 talisker_storm_2013_45.8

 TALISKER officiel « Storm Â», 2013, 45,8 %-Single-malt Ă©cossais, exemple de whisky technologique, presque rattrapĂ© en style par les lots rĂ©cents du 10 ans, plutĂ´t moyens, ce qui n’est pas rassurant. (Photo © GrĂ©goire Sarafian)

 

3/ MOINS DE WHISKIES DISPONIBLES ET PLUS DE CHANCES POUR L’ARTISANAT :

Donc nous avons d’un cĂ´tĂ© une offre moindre certes, pour un temps, une offre de whiskies le plus souvent « industriels Â», produits Ă  grande Ă©chelle, et disons-le plus jeunes et plus technologiques qu’auparavant (en provenance d’Ecosse et d’Irlande, notamment, mais cela touche Ă©galement les distilleries nord-amĂ©ricaines, comme celles qui tentent d’accĂ©lĂ©rer artificiellement le vieillissement par des techniques nouvelles liĂ©es au son…mais on est loin des mĂ©thodes douces du type de celles utilisĂ©es au Japon pour Ă©lever le bĹ“uf de KobĂ©, incroyablement tendre et fin) et de l’autre le contraire, soit la floraison presque partout dans le monde de nouvelles micro-distilleries Ă  caractère clairement artisanal, voire « bio-compatible Â» (Ă©cologique si vous prĂ©fĂ©rez), ou la recherche de la qualitĂ© sur la quantitĂ© prĂ©vaut. Est-ce une garantie de qualitĂ© pour autant, souvent, mais pas toujours, lorsque la mode s’en mĂŞle (comme les maturations multiples lorsqu’elles ne sont pas maĂ®trisĂ©es). Mais il me semble que l’on tient la une piste majeure de progrès, avec notamment les exemples que semblent ĂŞtre, entre autres, les distilleries (de petite ou moyenne taille, rĂ©centes ou non) comme ARMORIK, GLANN AR MOR & LE DOMAINE DES HAUTES GLACES (France), ABHAINN DEARG, ARRAN, BEN NEVIS, BRUICHLADDICH-dans une certaine mesure seulement- GLENGOYNE, KILCHOMAN, SPRINGBANK (Ecosse), THE OWL DISTILLERY (Belgique), AMRUT & PAUL JOHN (Inde), MACKMYRA & SMOGEN (Suède), PENDERYN (Pays de Galles), LARK & SULLIVAN’S COVE (Australie), sans parler du Japon ou de l’AmĂ©rique du Nord, et, espĂ©rons-le avec les nouveaux projets de distillerie, de l’Irlande.

 

4/ MOINS DE WHISKY, D’OU BIENTOT DAVANTAGE DE DISTILLERIES :

L’industrie du whisky, pour rĂ©pondre Ă  cette demande plus grande, a donc dĂ©cidĂ© ces dernières annĂ©es (et l’on peut dire que 2012-2014 constituera un pic avec de nombreux projets dĂ©cidĂ©s ou commencĂ©s d’être mis en Ĺ“uvre) d’investir massivement dans la construction de nouvelles distilleries pour tenter de ravir la première place (pour les single-malts, comme pour alimenter des blends) qu’occupe encore GLENFIDDICH (en termes de ventes et capacitĂ© de production, mais cela est dĂ©jĂ  en train de changer), mais aussi d’agrandir des distilleries dĂ©jĂ  existantes dans leur portefeuille (comme The GLENLIVET en 2010, CAOL ILA en 2012, et bientĂ´t CLYNELISH, GLEN ORD, TEANINICH-nous y reviendrons), ou de relancer enfin de nouvelles rĂ©fĂ©rences de leur single-malt (comme TORMORE, TAMDHU en 2013, et plus rĂ©cemment MORTLACH), ou encore les remettre en service (comme par exemple GLEN KEITH, l’an dernier). Une crainte tout de mĂŞme, que l'on se retrouve un jour dans la situation de 1982/1983...surproduction, puis fermeture massive de distilleries, non sans stockage spĂ©culatif de certaines rĂ©fĂ©rences pour les revendre plus tard de plus en plus cher (comme l'a fait Diageo avec PORT ELLEN et BRORA).

 

DISTILLERIES EN CONSTRUCTION (ECOSSE) pour 2014:

A noter, nombre de ces distilleries reprennent des noms de distilleries disparues…Je les ai placĂ©es dans l’ordre supposĂ© (annoncĂ©) de construction (dĂ©but de la production entre 2014 et 2015) :

 

adelphi distillery_ardnamurchan

 La distillerie de malt ARDNAMURCHAN, projet du nĂ©gociant ADELPHI (Photo © Adelphi).

 

-INCHDAIRNIE, dans le comtĂ© de Fife (Highlands du Sud) : PropriĂ©taire: John Fergus & co, associĂ© au groupe indien Kyndal (Indian Beverages) pour produire du malt destinĂ© Ă  alimenter le marchĂ© indien, africain et extrĂŞme-oriental. Objectif de production Ă  moyen terme: 2 Millions de litres/an. Production de blends surtout.

-ARDNAMURCHAN (ou ADELPHI Distillery), dans le comtĂ© d’Argyll & Bute (rĂ©gion allant de Campbeltown au Sud jusqu’aux Ă®les de Tiree et Coll au Nord, incluant les Ă®les productrices de whisky de la rĂ©gion, comme par exemple Islay) : PropriĂ©taire: Le nĂ©gociant ADELPHI. Objectif de production Ă  moyen terme: 250 000 litres/an. Son whisky sera tourbĂ© et non tourbĂ©.

-BALLINDALLOCH, dans le Morayshire (Highlands de l’est) près de la distillerie CRAGGANMORE : PropriĂ©taire: Non communiquĂ©. Objectif de production Ă  moyen terme: 90 000 litres/an.

-ANNANDALE, dans le Dumfriesshire (Lowlands). PropriĂ©taire: David Thompson & Teresa Church, soit la Annandale distillery Company (depuis 2007). Objectif de production Ă  moyen terme: 250 000 litres/an. Il s’agit d’une restauration de l’ancienne distillerie du mĂŞme nom, active entre 1830 et 1919 (mise en sommeil), puis fermĂ©e en 1921.

-FALKIRK, dans le Stirlingshire (Lowlands). PropriĂ©taire: Isle of Arran Brewery. Objectif de production Ă  moyen terme: 750 000 litres/an. Le projet, ambitieux, est de recrĂ©er en quelque sorte le style spĂ©cifique du plus mythique single-malt de la rĂ©gion qu’était celui de ROSEBANK, distillerie fermĂ©e en 1993. Pour cela une triple-distillation sera pratiquĂ©e. Le projet inclue, outre une distillerie, une brasserie (restant Ă  confirmer), un centre d’accueil des visiteurs, un restaurant et des locaux commerciaux, mais l’ancien propriĂ©taire de ROSEBANK, Ă  savoir le gĂ©ant DIAGEO, empĂŞchera toute production de whisky avant 2017 pour des raisons liĂ©es Ă  la vente des droits.

-KINGSBARNS, dans le comtĂ© de Fife (Highlands du Sud) : PropriĂ©taire: Le nĂ©gociant WEMYSS Malts. Objectif de production Ă  moyen terme: 500 000 litres/an. Le projet de Doug Clement de 2009 (aidĂ© du distillateur australien Bill Lark) va enfin prendre vie sous la houlette d’un nĂ©gociant Ă©cossais.

-IMPERIAL II (nom provisoire), près du village de Carron, dans le Morayshire (Highlands de l’Est). Propriétaire: Pernod-Ricard. Objectif de production à moyen terme: 6 Millions de litres/an. Il s’agit d’un projet débuté en 2012 afin d’édifier une nouvelle distillerie sur le site de l’ancienne distillerie IMPERIAL, fermée en 1998. Le nom de la distillerie est encore à déterminer.

Par ailleurs il y a de nombreux projets de construction de distilleries encore en Ecosse (comme par exemple celui du français Jean Donnay nommĂ© GARTBRECK, sur Islay-mais il y a au moins 10 autres projets), ils sont trop nombreux pour les citer dans ce cadre, et ils sont parfois incertains, aussi nous y reviendrons en temps voulu. De mĂŞme que les projets initiĂ©s il y a parfois de nombreuses annĂ©es et qui sont « en souffrance Â», gĂ©nĂ©ralement faute de capitaux, comme ceux de HUNTLY, le projet du nĂ©gociant DUNCAN TAYLOR, ou ISLE OF BARRA, tous deux annoncĂ©s en 2008, ou pire encore ceux des distilleries PORT CHARLOTTE ou encore SLEAT, sur Skye cette fois, toutes deux annoncĂ©es depuis l’an 2000. Bon courage Ă  tous ces projets.

 

PROJETS (AUTRES PAYS) : A suivre dans un autre sujet Ă  venir…

 

5/ MOINS DE GARANTIES DE QUALITE, PLUS DE DEMESURE DES PRIX :

Par ailleurs, la concentration des moyens de production Ă©tant limitĂ©e par la loi dans une certaine mesure dans le monde anglo-saxon, notamment, certains rachats importants & rĂ©cents vont entraĂ®ner la dispersion de sociĂ©tĂ©s qui ont acquis un statut historique, notamment dans le domaine de la crĂ©ation de blended-whiskies (je pense bien entendu Ă  WHYTE & MACKAY, qui va ĂŞtre en partie dĂ©mantelĂ©-pour la logistique en tout cas) et la sĂ©paration de distilleries d’un mĂŞme portefeuille qui Ă©taient jusqu’alors les deux faces d’une mĂŞme pièce, en quelque sorte (Ă  savoir DALMORE & ISLE OF JURA), unies jusqu’ici bien sĂ»r par le travail de promotion Ă  la fois si théâtral et si sympathique de l’assembleur Richard Paterson (en effet, les distilleries de malt Isle of JURA, FETTERCAIRN et la distillerie de grain INVERGORDON sont Ă  vendre). De manière moins « violente Â», la sociĂ©tĂ© de nĂ©goce Murray McDAVID, elle, ne sera plus gĂ©rĂ©e par la direction de la distillerie BRUICHLADDICH, mais par un de ses anciens cadres, le dynamique Eamonn Jones (qui m’avait dĂ©livrĂ© une information cruciale sur la distillerie, sur laquelle je reviendrais bientĂ´t).

Une autre donnĂ©e Ă  prendre en ligne de compte, est le repositionnement des hauts de gamme de nombreuses marques vers la catĂ©gorie de prix au dessus, avec des augmentations exponentielles se rapprochant de celles que peut prendre un tableau de grand maĂ®tre (je ne parle pas du prix, entendons nous bien, mais de sa progression), ou le seul nom fait dĂ©jĂ  fonctionner la table de multiplication…Je donnais rĂ©cemment (sur la fiche de la distillerie BUNNAHABHAIN) l’exemple de la disproportion entre un 40 ans d’âge officiel (issu de nombreux fĂ»ts) vendues Ă  plus de 2000 € et de certaines versions de nĂ©goce (en single-cask ou small batch) d’âge similaire, vendues, elles, Ă  un peu plus de…200 € il y a encore peu de temps. Certes l’écart se resserre lorsqu’il s’agit de distilleries très cotĂ©es (comme ARDBEG, BRORA, PORT ELLEN-encore que selon moi la hausse de prix des 2 plus prestigieuses distilleries fermĂ©es Ă©cossaises soit plus logique que pour une distillerie active). L'exemple frappant de 2013 c'est que les prix de certains whiskies de nĂ©goce ont vraiment explosĂ© jusqu'Ă  presque rejoindre ceux des versions officielles (je pense par exemple Ă  un PORT ELLEN 1979 de chez Gordon & MacPhail, Ă  plus de 800 €, probablement la plus chère bouteille de nĂ©goce de cette distillerie jamais sortie?-en tout cas pour celles mises en bouteille rĂ©cemment provenant de cette distillerie…et bien entendu les prix pratiquĂ©s (et les logiques de spĂ©culation) par les sites de vente aux enchères n’arrangent pas les choses. Et je ne parle mĂŞme pas de KARUIZAWA, de plus en plus spĂ©culatif. Mais l’exemple n’est pas valable pour les distilleries qui, par exemple, ne vendent pas leur distillat ou leurs fĂ»ts Ă  des tiers (comme The BALVENIE ou GLENMORANGIE), lĂ  impossible d’y couper, pas de version de nĂ©goce moins chère, il faudrait payer « plein pot Â» ! Il y aussi l'exemple illustrĂ© ci-dessous, de jeune distillerie comme KAVALAN, qui constitue Ă  mon avis un record.

kavalan_fino_sherry_cask_57.8

 KAVALAN « Fino Sherry Cask Â», 57,8 % -Single-malt taĂŻwanais d’environ 5 ans vendu en France Ă  environ 280 €,

sans doute un record absolu en ratio âge/prix ?! (Photo © www.whisky.fr).

 

6/ PLUS D’EXCES, MAIS DES CONSOMMATEURS MOINS CREDULES, ON L’ESPERE :

Et même si pour le moment, les single-grains, blended-whiskies et blended-malts sont un peu épargnés (enfin, l’inflation a débuté il y a 3 ou 4 ans, mais ne touche pas encore trop les whiskies écossais par rapport aux whiskies japonais), l’industrie du whisky trouve toujours le moyen d’augmenter les prix, en faisant des éditions spéciales luxueuses de blended-whiskies (comme par exemple lorsque CHIVAS REGAL se voit redessiner son conditionnement en édition limitée pour le 18 ans par un célèbre carrossier italien, mais aussi avec son nouveau 25 ans, concurrent du GRANT’S 25 ans) comme de single-malts (je pense notamment aux éditions spéciales des YAMAZAKI 18 et 20 ans conçues par l’artisan Bill Amberg, mais il y a d’autres exemples), mais aussi en augmentant les prix du moindre single-malt dépassant les 15 ans d’âge. Là ou cela semble moins bien fonctionner, c’est dans les tentatives de susciter l’engouement d’un nouveau public vers les blended-whiskies de luxe de haut de gamme (officiels, s’entend). Les ventes suivent peut être, dans les zones duty-free des aéroports, mais guerre mieux. Le même sort (mais là l’on reviendrait au débat déjà évoqué) semble réservé pour les single-malts à un des initiateurs de l’abandon du compte d’âge, The MACALLAN.

Il semble que le marketing soit en train d’échouer encore une fois, avec la gamme des « Couleurs Â» (se substituant au compte d’âge pour une partie de ses rĂ©fĂ©rences en tout cas), alors qu’il avait dĂ©jĂ  sĂ©rieusement Ă©cornĂ© la rĂ©putation de la distillerie avec le lancement (au succès très mitigĂ©) de la gamme « Fine Oak Â». HIGHLAND PARK, s’il n’y prend garde, subira probablement le mĂŞme sort, pour ses gammes duty-free sans compte d’âge et au profil aromatique semble t’il sans grand rapport avec la thĂ©matique (virile et Ă©pique) avancĂ©e par le dĂ©partement marketing (je pense en cela Ă  la gamme des « Warrior Series Â»). Depuis, GLENFIDDICH a annoncĂ© elle aussi la sortie de trois rĂ©fĂ©rences pour le mĂŞme marchĂ© hors taxe.

 

glenfiddich_cask_collection_t.r.

 GLENFIDDICH « Cask Collection Â», pour les boutiques hors-taxe (travel retail), 1 litre, 40 %. Lorsque les noms de whiskies laissent carrĂ©ment perplexe (cask=fĂ»t, mais de quel fĂ»t s’agit il ? Un seul, non, peu, non plus; un brut de fĂ»t ? non plus, puis on parle de « rĂ©serve Â», etc… Idem pour la version "Vintage cask", sans ....vintage. Pour ĂŞtre Ă©quitable, on peut prendre d’autres exemples chez bien d’autres distilleries.

-Single-malt (Photo © Edinburgh whisky club).

 

Dernièrement, pour des raisons financières mais peut ĂŞtre aussi pour l’attrait de la nouveautĂ©, nombre de consommateurs, et mĂŞme des passionnĂ©s, se sont rĂ©cemment dĂ©tournĂ©s des whiskies pour aller vers d’autres types d’alcools bruns (vieillis en fĂ»ts) et d’alcools blancs : La Maison du Whisky ne s’y est pas trompĂ©e avec le tournant choisi 2010, lorsqu’elle a ajoutĂ© « â€¦& Fine Spirits Â»  au nom de sa boutique et de son magazine, histoire d’embarquer dans l’aventure un nouveau type de public, plus jeune, festif, voire aisĂ©, pour les initier Ă  des alcools pour lesquels la marge de bĂ©nĂ©fices est potentiellement bien plus grande Ă  l’heure actuelle (et pour certains de coĂ»t infĂ©rieur de fabrication aux whiskies de malt, disons-le). Du coup, plus aucun magazine (papier) en France entièrement consacrĂ© au whisky. Ceci dit, certains d’entre nous apprĂ©cient beaucoup ces autres spiritueux, avec une prĂ©fĂ©rence pour ma part pour les Cognacs naturels, les Rhums de dĂ©gustation et les belles eaux-de-vie de fruits. De lĂ  Ă  renoncer aux whiskies, non.

EspĂ©rons cependant que la majoritĂ© des amateurs de whisky continuera Ă  s’intĂ©resser, parallèlement aux single-malts, aux blended-whiskies, qui demeurent, qu’on le veuille ou non, les locomotives de cette industrie, et empĂŞchent certains de ses « wagons Â» (les distilleries de malt) de rester Ă  quai.

 

Grégoire Sarafian, le 01/03/2014-révisé et augmenté le 29/03/14

 

(Sources : voir bibliographie papier et liens web, plus les sites web des futures distilleries ainsi que des journaux en ligne anglo-saxons comme le Caledonian Mercury, etc…).

 


Derniers Articles